Une délégation de pèlerins catholiques venus de Yamaguchi a rendu hommage aux moines bouddhistes qui ont caché des chrétiens lors des grandes persécutions, dans une pièce secrète de leur monastère (1).

Un groupe d’une soixantaine de catholiques, sous la direction du P. Makoto Onchi, curé de l’église de Hagi dans la préfecture de Yamaguchi, au sud-ouest de l’île principale de Kyushu, a visité le monastère bouddhique de Houonji, le 4 juillet dernier. Tous les ans, l’Eglise catholique du Japon propose la visite de lieux liés aux persécutions contre les chrétiens, qui ravagèrent l’île à partir du XVIIe siècle.

Le monastère de Houonji, qui appartient à la branche du Rinzai-zen, a été construit au XVIIe siècle. Ce temple, établi à Wakayama, capitale de la préfecture du même nom, dans le sud-est de l’île de Honshû, est célèbre notamment pour les arbres vieux de 800 ans qui s’élèvent dans son jardin.

Les moines bouddhistes ont découvert la cache secrète, tout contre la pièce principale de leur monastère, avec un tunnel conduisant à l’extérieur, a raconté au P. Onchi, le Vénérable Toshiaki Namba, leur supérieur. Il a ensuite expliqué à ses hôtes que pendant que les chrétiens priaient dans la pièce, les moines chantaient les soutra le plus fort possible, afin de couvrir tout bruit susceptible de signaler la présence de la communauté cachée.

Les visiteurs chrétiens ont exprimé leur gratitude à leur hôte pour la grande générosité et le courage que les moines avaient montrés en protégeant leurs prédécesseurs dans la foi.

Ce temple n’est que l’un des nombreux lieux de culte bouddhistes qui étaient en lien avec les premiers chrétiens japonais. Des monuments commémoratifs en l’honneur des chrétiens persécutés ont été érigés dans des temples bouddhistes à travers tout le pays.

Pendant les persécutions du XIXe, les chrétiens de cette communauté cachée par les moines bouddhistes de Houonji, furent déportés à plus de 200 km de là, au sud-ouest, à Nagasaki, à l’extrême sud de l’île. Encore aujourd’hui, la région de Nagasaki reste toujours le symbole de l’Eglise cachée mais survivante, malgré les milliers de martyrs que firent à plusieurs reprises les violentes persécutions qui s’abattirent sur les chrétiens. En novembre 2008, la béatification des 188 martyrs du Japon à Rome, nous a rappelé l’existence de cette terre de martyrs depuis les débuts de l’évangélisation au Japon (3).

Les pèlerins de la paroisse catholique de Hagi viennent eux-mêmes d’une région où les persécutions furent nombreuses. La région de Yamaguchi fut la première communauté chrétienne du Japon, fondée par saint François-Xavier lors de son voyage d’évangélisation au début du XVIe siècle, sur l’emplacement d’un temple désaffecté prêté par le seigneur du lieu (avril 1551) (4). A cette époque, l’Eglise à peine naissante était tolérée, mais un changement de régime politique marqua un tournant décisif et, à la fin du XVIe siècle, commencèrent les premières persécutions, qui s’échelonnèrent par paliers, jusqu’à l’interdiction totale du christianisme sur le territoire et le renvoi ou l’exécution de tous les missionnaires étrangers en 1614.

Aujourd’hui, dans les montagnes de Yamaguchi, un lieu de pèlerinage, Otome Tôge (le col de la Vierge), garde le souvenir de ces grandes persécutions et des célébrations y ont lieu régulièrement.


(1) Ucanews, 15 juillet 2010
(2) Le Rinzai est l’une des trois écoles du bouddhisme zen japonais. Venu de Chine, il aurait été introduit au Japon au XIIe siècle.
3) En 1587 déjà, le shôgun Hideyoshi fait arrêter à Kyôto l’embryon d’une communauté qui y vit, 26 chrétiens, pour les envoyer à Nagasaki afin qu’ils y soient crucifiés. En 1614, le shôgun Tokugawa Ieyasu fait publier un édit qui interdit la religion chrétienne, expulse les missionnaires et fait détruire toutes les églises de Nagasaki, soit douze églises. La Conférence des évêques du Japon actuelle estime qu’il y avait alors dans tout le Japon quelque 220.000 chrétiens baptisés. En 1622 a lieu la « grande persécution » de Nagasaki où une cinquantaine de chrétiens, hommes, femmes et enfants sont brûlés vifs, suivie de la jacquerie de 1637 et sa répression meurtrière. La dernière persécution à Nagasaki eut lieu en 1870, juste avant la restauration de la liberté religieuse mais après que l’autorisation de pénétrer au Japon fut rétablie pour les étrangers. C’est en 1865 que des chrétiens cachés du village d’Urakami qui avaient conservé leur foi pendant plus de 200 ans sans aucun contact avec l’Eglise, vinrent se faire reconnaître comme chrétiens auprès des Pères des Missions Etrangères de Paris dans l’église de Ôura qu’ils venaient de construire sur le terrain de la concession française.
(4) Selon des historiens de plus en plus nombreux et en raison du fait que le Japon a toujours été une puissance maritime, l’arrivée du christianisme au Japon serait bien antérieure, théorie attestée par des preuves archéologiques, notamment la présence de documents et symboles chrétiens dans de nombreux monastères bouddhiques, antérieurs à leur construction.

(Source: Eglises d'Asie, 20 juillet 2010)