Le 6 décembre verra la clôture de l’actuelle session parlementaire et il est attendu que le Premier ministre Abe Shinzo obtienne de la Diète, où sa formation politique, le PLD, détient la majorité dans les deux Chambres qui la composent, le vote de sa très controversée Loi sur les secrets d’Etat. Il y a quelques semaines, alors que le débat prenait de l’ampleur dans le pays, l’Eglise catholique a joint sa voix aux opposants à ce projet de loi, le jugeant contraire aux principes fondamentaux inscrits dans la Constitution.
L’Eglise s’est exprimée sur ce sujet le 1er novembre dernier par le biais d’une lettre adressée au Premier ministre et signée de Mgr Matsuura Goro, évêque auxiliaire d’Osaka et président du Conseil ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale. En cinq points, elle y explique très clairement son opposition au projet de loi.
Le texte élargit la notion de « secret d’Etat » aux sujets touchant non seulement la défense, mais aussi la diplomatie, le contre-terrorisme et le contre-espionnage. Pour les évêques, cet élargissement n’est pas acceptable car il sera mis en œuvre en fonction de critères non spécifiés, fixés à la discrétion de la seule haute administration, dans « le secret ». Ils citent à cet égard la possibilité que les Forces d’auto-défense, qui constituent l’armée du pays, soient déployées à l’étranger en violation de l’article 9 de la Constitution, qui porte la renonciation du pays à la guerre comme moyen de règlement des conflits. Un tel déploiement pourrait en effet tomber sous le sceau du « secret » et ne pourrait être remis en cause par les citoyens, la presse, voire même la représentation parlementaire.
Les évêques dénoncent également les conséquences du texte de loi pour la diffusion d’informations au sujet, par exemple, de la centrale nucléaire de Fukushima. Alors même que le désastre que constitue cette centrale a révélé la collusion existant entre l’appareil bureaucratique et l’industrie nucléaire, de telles informations pourraient être interdites au prétexte de la lutte « contre le terrorisme ».
Dans leur troisième point, les évêques déplorent que la Diète, le Parlement japonais, qui pourtant « est définie par la Constitution comme l’organe le plus élevé de l’organisation étatique », se retrouve positionné plus bas que des organes administratifs.
La nouvelle législation « inhibera » l’activité des organes d’information, quand bien même « le droit de savoir » est garanti au peuple japonais par la Constitution, écrivent encore les évêques, qui évoquent, en dernier point, le risque de voir l’éventuelle répression d’un mouvement populaire entièrement passée sous silence car tant les médias que la Diète auront été muselés par l’administration en ayant recours à la notion de « secret d’Etat ».
Les évêques concluent en dénonçant le fait que, sous prétexte de renforcer l’alliance nippo-américaine, le texte de loi s’inscrit dans un projet plus large de « réinterprétation de la Constitution » et qu’il vient affaiblir la résolution du Japon à faire avancer la paix dans le monde en étant l’unique pays de la planète à avoir « à jamais » renoncé à la guerre.
A l’approche de la date du 6 décembre, la tension est progressivement montée entre partisans et opposants à ce projet de loi. Aujourd’hui 5 décembre, plusieurs milliers de personnes ont manifesté aux abords de la Diète pour exiger le respect de la Constitution, rappeler que la souveraineté appartenait au peuple et que les défenseurs de la liberté d’information n’étaient pas assimilables à des terroristes. Ces opposants étaient particulièrement irrités par les propos d’un haut responsable du PLD, tenus sur son blog il y a une semaine et selon lesquels descendre dans la rue pour manifester n’était « pas très différent d’un acte terroriste ».
Les médias, les organisations de défense des droits de l’homme, les avocats se sont mobilisés contre le projet de loi, pointant le fait qu’une définition aussi élargie de la notion de secret d’Etat renvoyait aux heures noires du régime militariste des années 1930 et de la seconde guerre mondiale. Mais le Premier ministre disposant de la majorité dans les deux Chambres de la Diète, les analystes tablaient sur une adoption définitive de ce projet de loi.
Pour les observateurs, le vote de cette loi s’inscrit dans le droit fil du projet politique défendu par le Premier ministre Abe et l’aile droite du PLD. La droite nationaliste n’a pas caché, tout au long de ces dernières années, que son objectif était de réviser la Constitution du pays, notamment son article 9, et qu’au-delà, elle visait à redéfinir les rapports entre l’Etat et les citoyens, le texte constitutionnel ne devant plus être un texte visant à garantir les droits des citoyens face à l’Etat mais devenant un outil destiné élargir et préserver la latitude d’action des autorités. Par la voix de leurs évêques, l’Eglise catholique, qui ne réunit pas plus de 0,5 % de la population du Japon, a dénoncé à plusieurs reprises ce projet. (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 5 décembre 2013)
L’Eglise s’est exprimée sur ce sujet le 1er novembre dernier par le biais d’une lettre adressée au Premier ministre et signée de Mgr Matsuura Goro, évêque auxiliaire d’Osaka et président du Conseil ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale. En cinq points, elle y explique très clairement son opposition au projet de loi.
Le texte élargit la notion de « secret d’Etat » aux sujets touchant non seulement la défense, mais aussi la diplomatie, le contre-terrorisme et le contre-espionnage. Pour les évêques, cet élargissement n’est pas acceptable car il sera mis en œuvre en fonction de critères non spécifiés, fixés à la discrétion de la seule haute administration, dans « le secret ». Ils citent à cet égard la possibilité que les Forces d’auto-défense, qui constituent l’armée du pays, soient déployées à l’étranger en violation de l’article 9 de la Constitution, qui porte la renonciation du pays à la guerre comme moyen de règlement des conflits. Un tel déploiement pourrait en effet tomber sous le sceau du « secret » et ne pourrait être remis en cause par les citoyens, la presse, voire même la représentation parlementaire.
Les évêques dénoncent également les conséquences du texte de loi pour la diffusion d’informations au sujet, par exemple, de la centrale nucléaire de Fukushima. Alors même que le désastre que constitue cette centrale a révélé la collusion existant entre l’appareil bureaucratique et l’industrie nucléaire, de telles informations pourraient être interdites au prétexte de la lutte « contre le terrorisme ».
Dans leur troisième point, les évêques déplorent que la Diète, le Parlement japonais, qui pourtant « est définie par la Constitution comme l’organe le plus élevé de l’organisation étatique », se retrouve positionné plus bas que des organes administratifs.
La nouvelle législation « inhibera » l’activité des organes d’information, quand bien même « le droit de savoir » est garanti au peuple japonais par la Constitution, écrivent encore les évêques, qui évoquent, en dernier point, le risque de voir l’éventuelle répression d’un mouvement populaire entièrement passée sous silence car tant les médias que la Diète auront été muselés par l’administration en ayant recours à la notion de « secret d’Etat ».
Les évêques concluent en dénonçant le fait que, sous prétexte de renforcer l’alliance nippo-américaine, le texte de loi s’inscrit dans un projet plus large de « réinterprétation de la Constitution » et qu’il vient affaiblir la résolution du Japon à faire avancer la paix dans le monde en étant l’unique pays de la planète à avoir « à jamais » renoncé à la guerre.
A l’approche de la date du 6 décembre, la tension est progressivement montée entre partisans et opposants à ce projet de loi. Aujourd’hui 5 décembre, plusieurs milliers de personnes ont manifesté aux abords de la Diète pour exiger le respect de la Constitution, rappeler que la souveraineté appartenait au peuple et que les défenseurs de la liberté d’information n’étaient pas assimilables à des terroristes. Ces opposants étaient particulièrement irrités par les propos d’un haut responsable du PLD, tenus sur son blog il y a une semaine et selon lesquels descendre dans la rue pour manifester n’était « pas très différent d’un acte terroriste ».
Les médias, les organisations de défense des droits de l’homme, les avocats se sont mobilisés contre le projet de loi, pointant le fait qu’une définition aussi élargie de la notion de secret d’Etat renvoyait aux heures noires du régime militariste des années 1930 et de la seconde guerre mondiale. Mais le Premier ministre disposant de la majorité dans les deux Chambres de la Diète, les analystes tablaient sur une adoption définitive de ce projet de loi.
Pour les observateurs, le vote de cette loi s’inscrit dans le droit fil du projet politique défendu par le Premier ministre Abe et l’aile droite du PLD. La droite nationaliste n’a pas caché, tout au long de ces dernières années, que son objectif était de réviser la Constitution du pays, notamment son article 9, et qu’au-delà, elle visait à redéfinir les rapports entre l’Etat et les citoyens, le texte constitutionnel ne devant plus être un texte visant à garantir les droits des citoyens face à l’Etat mais devenant un outil destiné élargir et préserver la latitude d’action des autorités. Par la voix de leurs évêques, l’Eglise catholique, qui ne réunit pas plus de 0,5 % de la population du Japon, a dénoncé à plusieurs reprises ce projet. (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 5 décembre 2013)