Encordés et exhibés pour l’exemple sous les yeux médusés de la population des villes traversées, ils marchèrent et, sauf un passage en bateau sur la Mer intérieure, ils parcoururent une distance de près de 1 000 kilomètres en plein mois de janvier, un des mois les plus froids de l’année dans cette région.
Pour leur mise à mort, la foule était présente en haut de la colline de Nishizaka où ils étaient attendus. Les témoins oculaires furent nombreux. Paul Miki et les condamnés chantaient ce qu’ils avaient l’habitude de chanter à l’église. Des femmes, mères de famille, tentèrent de persuader les trois garçons d’abandonner. Les trois refusèrent. Parmi la foule, le premier évêque du Japon, Mgr Martinez était présent, caché, bouleversé. Une année plus tard, il était arrêté à son tour mais expulsé à Manille.
Avec le temps, cette colline de Nishizaka s’est transformée en un quartier d’habitation mais une portion relativement importante de terrain a été sauvegardée et transformée en jardin public. On y prie devant un émouvant monument où les vingt-six martyrs sont représentés bien droits, alignés et hiératiques. Attenant à une chapelle moderne, un musée abrite de nombreux souvenirs de l’époque des persécutions.
En février dernier, à l’occasion de leur assemblée annuelle, les évêques catholiques du Japon avaient annoncé leur intention de faire de Nishizaka un centre de pèlerinage national. Le 10 juin dernier, deux jours après le 150ème anniversaire de la canonisation des 26 martyrs de Nagasaki, ils ont officialisé cette annonce. Désormais, les pèlerins auront la possibilité de mettre leurs pas dans ceux des martyrs canonisés en 1862. Une route partira de Kyoto et passera par Osaka, Hiroshima et Fukuoka pour arriver à Nagasaki, avec dans chacun de cinq diocèses traversés, des haltes relais prévues.
Un missionnaire qui a longtemps vécu au Japon souligne que les Japonais aiment les pèlerinages. En France, celui de Chartres ou en Espagne, celui de Compostelle, attirent régulièrement des dizaines et des dizaines de Japonais, chrétiens ou non (2). Au Japon, le pèlerinage bouddhiste des 88 temples de l’île du Shikoku, qui dure au moins un mois, est très couru. Jusqu’à présent, les chrétiens japonais devaient se contenter de petits pèlerinages locaux. Ils vont désormais pouvoir jusqu’à Nagasaki, mettre leurs pas dans ceux de leurs martyrs et s’imprégner de leur courage et de leur foi.
(1) Pierre Dunoyer, Histoire du catholicisme au Japon (1543-1945) (Paris, éditions du Cerf, avril 2011).
(2) Présente au Japon depuis 1549, date de l’arrivée sur l’archipel nippon de saint François Xavier, l’Eglise catholique rassemble moins de 1 % de la population japonaise (environ 0,5 % de catholiques japonais et 0,5 % de catholiques étrangers, migrants venus d’Asie du Sud-Est ou d’Amérique latine pour la plus grande part).
(Source: Eglises d’Asie, 19 juin 2012)