Eglises d’Asie, 27 juillet 2010 – Depuis le 29 juin dernier, plusieurs policiers montent la garde devant l’entrée de l’école catholique San Jos Metropolitan School, à Thalassery, dans l’Etat méridional du Kerala. Ils ont pour ordre d’empêcher toute intrusion dans l’établissement d’éléments étrangers à l’école. Contactée ce 27 juillet au téléphone par Eglises d’Asie, sa directrice, Sr Rosemary, ne cache pas ses craintes mais se dit déterminée à appliquer la ligne de conduite qu’elle-même, sa tutelle, les enseignants et les parents d’élèves se sont fixés: le port du foulard islamique n’est pas admis dans les salles de classe.
Etablissement fondé récemment, en 2002, San Jos Metropolitan School est devenue en quelques années une école réputée. Du jardin d’enfants à la fin du cycle secondaire, elle accueille aujourd’hui 1 050 élèves, garçons et filles, avec l’anglais comme langue d’enseignement. Placée sous la tutelle de l’archidiocèse syro-malabar de Tellicherry (Thalassery), l’école affiche clairement son appartenance catholique, tout en accueillant des enfants de différentes religions. Sa devise est tirée du Livre des Proverbes: « La crainte de l’Eternel est le commencement de la science. » (Proverbes, 1,7). La moitié des élèves sont hindous, 40 % musulmans et 10 % chrétiens, catholiques en très grande majorité.
Il y a deux ans, explique Sr Rosemary, quelques familles musulmanes, au nombre de trois ou quatre, ont demandé que leurs filles puissent venir voilées en cours. Une rencontre a été organisée avec elles et l’administration de l’école. « Nous leur avons expliqué que nous ne pouvions accéder à leur requête, car nous tenions à ce que l’uniforme que nous imposons soit respecté par tous les élèves, sans exception ni modification. Les parents ont compris et n’ont pas insisté », poursuit la religieuse, qui précise que cette décision n’a pas été prise par la seule direction de l’école mais a été entérinée par l’association qui regroupe parents d’élèves et enseignants. De la même manière, une demande émise par plusieurs familles musulmanes pour que leurs garçons puissent sortir de l’établissement afin d’aller à la mosquée assister à la prière du vendredi a été rejetée: pour des raisons de sécurité et de discipline, les entrées et sorties de l’école se font à heures fixes et tous les élèves y sont tenus, rapporte encore la directrice.
Un an plus tard, lors de la rentrée scolaire, des demandes concernant le port du foulard islamique et des sorties de l’école pour la prière du vendredi ont été à nouveau formulées à la direction de l’établissement. Mais, cette fois-ci, explique Sœur Rosemary, les demandes émanaient non de parents d’élèves mais du Front populaire de l’Inde. Fédération de différents mouvements musulmans extrémistes, le Front populaire de l’Inde s’est illustré récemment par des actions violentes et dispose d’une vitrine politique, le Social Democratic Party of India (1).
Plusieurs manifestations ont été organisées devant l’école par le Front populaire de l’Inde. A chaque fois, elles ont réuni quelques dizaines de personnes, soit des hommes brandissant des pancartes, soit des femmes portant le hidjab (voile ne laissant à découvert que l’ovale du visage). Le 1er juillet, une manifestation a encore eu lieu, tenue cette fois à distance par les forces de l’ordre. Abdul Jabbar, secrétaire du Front pour le district de Thalassery, a promis que son organisation allait intensifier la pression pour obtenir de l’école catholique qu’elle autorise le port du foulard islamique. « Pratiquer notre religion est un droit fondamental », a-t-il affirmé.
Depuis, Sr Rosemary ne cache pas qu’elle craint pour sa sécurité physique ainsi que pour celle de la religieuse responsable des études. « Nous avons peur et nous prenons garde à ne pas sortir de notre école sans être accompagnées », a-t-elle expliqué au téléphone, tout en réaffirmant son entière détermination à faire respecter le règlement de l’établissement: « Les parents ont signifié leur accord à ce règlement en y apposant leur signature. Nous leur avons réexpliqué les raisons de notre position et nous avons été comprises. » La religieuse souligne que les parents qui ont choisi de retirer leur enfant de l’école se comptent sur les doigts d’une main et note que le Front populaire de l’Inde se garde d’exiger des écoles des environs tenues par des hindous, les revendications qui ont été formulées à son établissement.
Dans un Etat qui, jusqu’à ces dernières années, était caractérisé par une cohabitation plutôt harmonieuse des différentes communautés religieuses (2), l’Eglise catholique ne souhaite pas s’inquiéter officiellement de la montée du fondamentalisme islamique. A l’archidiocèse de Tellicherry, le chancelier, le P. John Onamkulam, dit que la politique des écoles placées sous sa tutelle est de « traiter toutes les religions sur un pied d’égalité ». « Nous ne pouvons nous permettre une faveur envers tel ou tel croyant », explique-t-il. Il précise aussi que, si plusieurs tentatives de dialogue entre l’école San Jos et le Front populaire de l’Inde ont échoué, « l’Eglise est ouverte à de nouvelles discussions ».
Sur le terrain, les écoles catholiques n’adoptent pas toutes la même politique concernant le port du foulard islamique. Si certaines le refusent, d’autres le tolèrent. En juin dernier, une école catholique de filles, St. Philomena’s Girls’ School à Poonthura, a fait l’objet d’une enquête de l’administration publique pour avoir expulsé deux de ses élèves. Musulmanes, les deux jeunes filles affirmaient avoir été renvoyées à cause du fait qu’elles portaient le voile, et non pour indiscipline, comme l’indiquait la directrice. A propos du foulard islamique, celle-ci avait précisé: « Il n’est ni encouragé, ni interdit. » En mai, une affaire similaire avait concerné une école protestante, la Believers’ Church English Medium School à Alappuzha; sa directrice avait été suspendue par sa tutelle après le renvoi d’une jeune fille voilée.
(1) Dans l’affaire de l’universitaire catholique qui a eu la main coupée par des islamistes (voir EDA 533), la police a procédé ces derniers jours à des arrestations dans la mouvance du Front populaire de l’Inde. Selon la police, l’attaque était « préméditée » et « des fonds étrangers » ont servi à sa préparation et à sa réalisation.
(2) Les 32 millions d’habitants du Kerala se répartissent ainsi: 56 % d’hindous, 24 % de musulmans et 20 % de chrétiens (dont plus des trois quarts sont catholiques).
(Source: Eglises d'Asie, 27 juillet 2010)
Etablissement fondé récemment, en 2002, San Jos Metropolitan School est devenue en quelques années une école réputée. Du jardin d’enfants à la fin du cycle secondaire, elle accueille aujourd’hui 1 050 élèves, garçons et filles, avec l’anglais comme langue d’enseignement. Placée sous la tutelle de l’archidiocèse syro-malabar de Tellicherry (Thalassery), l’école affiche clairement son appartenance catholique, tout en accueillant des enfants de différentes religions. Sa devise est tirée du Livre des Proverbes: « La crainte de l’Eternel est le commencement de la science. » (Proverbes, 1,7). La moitié des élèves sont hindous, 40 % musulmans et 10 % chrétiens, catholiques en très grande majorité.
Il y a deux ans, explique Sr Rosemary, quelques familles musulmanes, au nombre de trois ou quatre, ont demandé que leurs filles puissent venir voilées en cours. Une rencontre a été organisée avec elles et l’administration de l’école. « Nous leur avons expliqué que nous ne pouvions accéder à leur requête, car nous tenions à ce que l’uniforme que nous imposons soit respecté par tous les élèves, sans exception ni modification. Les parents ont compris et n’ont pas insisté », poursuit la religieuse, qui précise que cette décision n’a pas été prise par la seule direction de l’école mais a été entérinée par l’association qui regroupe parents d’élèves et enseignants. De la même manière, une demande émise par plusieurs familles musulmanes pour que leurs garçons puissent sortir de l’établissement afin d’aller à la mosquée assister à la prière du vendredi a été rejetée: pour des raisons de sécurité et de discipline, les entrées et sorties de l’école se font à heures fixes et tous les élèves y sont tenus, rapporte encore la directrice.
Un an plus tard, lors de la rentrée scolaire, des demandes concernant le port du foulard islamique et des sorties de l’école pour la prière du vendredi ont été à nouveau formulées à la direction de l’établissement. Mais, cette fois-ci, explique Sœur Rosemary, les demandes émanaient non de parents d’élèves mais du Front populaire de l’Inde. Fédération de différents mouvements musulmans extrémistes, le Front populaire de l’Inde s’est illustré récemment par des actions violentes et dispose d’une vitrine politique, le Social Democratic Party of India (1).
Plusieurs manifestations ont été organisées devant l’école par le Front populaire de l’Inde. A chaque fois, elles ont réuni quelques dizaines de personnes, soit des hommes brandissant des pancartes, soit des femmes portant le hidjab (voile ne laissant à découvert que l’ovale du visage). Le 1er juillet, une manifestation a encore eu lieu, tenue cette fois à distance par les forces de l’ordre. Abdul Jabbar, secrétaire du Front pour le district de Thalassery, a promis que son organisation allait intensifier la pression pour obtenir de l’école catholique qu’elle autorise le port du foulard islamique. « Pratiquer notre religion est un droit fondamental », a-t-il affirmé.
Depuis, Sr Rosemary ne cache pas qu’elle craint pour sa sécurité physique ainsi que pour celle de la religieuse responsable des études. « Nous avons peur et nous prenons garde à ne pas sortir de notre école sans être accompagnées », a-t-elle expliqué au téléphone, tout en réaffirmant son entière détermination à faire respecter le règlement de l’établissement: « Les parents ont signifié leur accord à ce règlement en y apposant leur signature. Nous leur avons réexpliqué les raisons de notre position et nous avons été comprises. » La religieuse souligne que les parents qui ont choisi de retirer leur enfant de l’école se comptent sur les doigts d’une main et note que le Front populaire de l’Inde se garde d’exiger des écoles des environs tenues par des hindous, les revendications qui ont été formulées à son établissement.
Dans un Etat qui, jusqu’à ces dernières années, était caractérisé par une cohabitation plutôt harmonieuse des différentes communautés religieuses (2), l’Eglise catholique ne souhaite pas s’inquiéter officiellement de la montée du fondamentalisme islamique. A l’archidiocèse de Tellicherry, le chancelier, le P. John Onamkulam, dit que la politique des écoles placées sous sa tutelle est de « traiter toutes les religions sur un pied d’égalité ». « Nous ne pouvons nous permettre une faveur envers tel ou tel croyant », explique-t-il. Il précise aussi que, si plusieurs tentatives de dialogue entre l’école San Jos et le Front populaire de l’Inde ont échoué, « l’Eglise est ouverte à de nouvelles discussions ».
Sur le terrain, les écoles catholiques n’adoptent pas toutes la même politique concernant le port du foulard islamique. Si certaines le refusent, d’autres le tolèrent. En juin dernier, une école catholique de filles, St. Philomena’s Girls’ School à Poonthura, a fait l’objet d’une enquête de l’administration publique pour avoir expulsé deux de ses élèves. Musulmanes, les deux jeunes filles affirmaient avoir été renvoyées à cause du fait qu’elles portaient le voile, et non pour indiscipline, comme l’indiquait la directrice. A propos du foulard islamique, celle-ci avait précisé: « Il n’est ni encouragé, ni interdit. » En mai, une affaire similaire avait concerné une école protestante, la Believers’ Church English Medium School à Alappuzha; sa directrice avait été suspendue par sa tutelle après le renvoi d’une jeune fille voilée.
(1) Dans l’affaire de l’universitaire catholique qui a eu la main coupée par des islamistes (voir EDA 533), la police a procédé ces derniers jours à des arrestations dans la mouvance du Front populaire de l’Inde. Selon la police, l’attaque était « préméditée » et « des fonds étrangers » ont servi à sa préparation et à sa réalisation.
(2) Les 32 millions d’habitants du Kerala se répartissent ainsi: 56 % d’hindous, 24 % de musulmans et 20 % de chrétiens (dont plus des trois quarts sont catholiques).
(Source: Eglises d'Asie, 27 juillet 2010)