La junte militaire au pouvoir en Thaïlande a tenté de tempérer les inquiétudes des minorités religieuses du pays – particulièrement des musulmans (5 % de la population) – en prenant un décret visant à corriger la perception négative de l’article 67 sur les religions du projet de Constitution approuvé par référendum le 7 août dernier.
L’article 67 du projet de Constitution, laquelle doit être promulguée au début de 2017, stipule que « l’Etat doit parrainer le bouddhisme et les autres religions » et ajoute que « l’Etat établit les mesures et les mécanismes visant à prévenir la profanation du bouddhisme sous toutes ses formes et encourage la participation de tous les bouddhistes en ce qui concerne l’application de tels mécanismes et mesures ».
« Une concession » aux groupes bouddhistes nationalistes
Cette dernière phrase n’a figuré dans aucune Constitution précédente et, selon Gothom Arya, directeur Centre des études sur la paix de l’Université Mahidol, représente « une concession » du gouvernement aux groupes bouddhistes nationalistes, qui, à chaque fois qu’une nouvelle Constitution est en cours de rédaction, font pression pour que le bouddhisme soit reconnu comme « religion nationale ».
De plus, l’article 67 ne comporte pas, contrairement à la plupart des Constitutions précédentes, de référence à l’importance de « l’harmonie religieuse ».
Interrogée par Eglises d’Asie, Angkhana Neelapaijit, la première musulmane à faire partie de la Commission nationale des droits de l’homme, indique que les musulmans sont inquiets de la formulation de l’article 67. « Les musulmans thaïlandais ont peur que l’Etat ne soutiennent pas fortement les musulmans. Il y a des obstacles pour que les musulmans jouissent pleinement du droit à exercer leur religion », précise-t-elle. Selon elle, l’article 67 donne l’impression aux musulmans que le bouddhisme se voit accorder un statut supérieur aux autres religions.
Elle mentionne notamment un projet de loi sur le Hadj, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, et qui impose à l’Etat de soutenir financièrement les musulmans thaïlandais pour les aider à effectuer le pèlerinage à La Mecque. « Certains groupes bouddhistes sont opposés à cette loi. Mais elle est très importante pour les musulmans qui se sont battus depuis de nombreuses années pour obtenir une telle loi », indique-t-elle encore.
Selon l’agence Fides, la minorité catholique de Thaïlande (environ 0,5 % de la population) ne se dit, quant à elle, pas inquiète de ce nouvel article. « Nos activités pastorales ne sont pas troublées ou modifiées. (…) La communauté catholique ne s’occupe pas des questions politiques, mais continue de mener ses activités », a déclaré à l’agence de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples le P. Peter Watchasin, directeur national des Œuvres pontificales missionnaires de Thaïlande.
Inquiétude des musulmans vis-à-vis de l’article 67 de la Constitution
Plusieurs analystes ont attribué à cet article constitutionnel sur les religions la forte proportion de votes défavorables au projet de Constitution dans les trois provinces du Sud du pays – Yala, Pattani et Narathiwat – lors du référendum constitutionnel du 7 août. Une insurrection ethno-nationaliste contre l’Etat central prévaut depuis des décennies dans ces provinces peuplées à 80 % de musulmans de culture malaise. Elle s’est intensifiée depuis 2004 et a provoqué depuis cette date près de 7 000 morts, tant chez les bouddhistes que chez les musulmans.
L’analyse des résultats du scrutin et la prise en compte des réactions d’inquiétudes vis-à-vis de l’article 67 ont mené la junte militaire, au pouvoir depuis le coup d’Etat de mai 2014, à prendre le 22 août dernier un décret visant à « compléter » cet article. Le décret a pour objet d’« empêcher les actes qui menacent le bouddhisme et les autres religions » et reprend l’appel traditionnel à « l’harmonie religieuse » ; il met aussi en place un comité pour « empêcher les actes qui menacent le bouddhisme et les autres religions ».
Les musulmans thaïlandais ont accueilli ce décret avec un certain scepticisme, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un geste de bonne volonté du régime militaire pour « corriger le tir ».
La controverse autour de l’article 67 intervient alors que les tensions entre bouddhistes et musulmans se sont accrues ces derniers mois. En novembre dernier, Phra Apichat Promjan, un moine bouddhiste de Bangkok, a appelé les bouddhistes à « brûler une mosquée pour chaque moine bouddhiste tué dans le Sud thaïlandais ». Son appel, qui faisait suite à l’assassinat de plusieurs moines bouddhistes dans les provinces du Sud, avait été largement diffusé sur les réseaux sociaux avant que le gouvernement n’intime au bonze d’arrêter de s’exprimer sur ce sujet.
En janvier dernier, un projet de vaste « parc bouddhiste » lancé par les autorités bouddhistes locales de la ville de Pattani (où 80 % de la population est musulmane), avait été suspendu par la junte après une vague de critiques des musulmans de la région. Le mois suivant, en février 2016, des groupes bouddhistes et des bonzes de la ville de Chiang Mai, dans le nord du pays, se sont opposés à l’établissement d’une zone pour l’industrie alimentaire halal, affirmant que cela « détruirait le patrimoine culturel de la province ».
Selon Angkhana Neelapaijit, le décret du 22 mai vise à apaiser ces tensions ou, à tout le moins, à ne pas les attiser. « Il reste à voir si cela peut rétablir l’harmonie », conclut-elle.
(Source: Eglises d'Asie, le 7 octobre 2016)
L’article 67 du projet de Constitution, laquelle doit être promulguée au début de 2017, stipule que « l’Etat doit parrainer le bouddhisme et les autres religions » et ajoute que « l’Etat établit les mesures et les mécanismes visant à prévenir la profanation du bouddhisme sous toutes ses formes et encourage la participation de tous les bouddhistes en ce qui concerne l’application de tels mécanismes et mesures ».
« Une concession » aux groupes bouddhistes nationalistes
Cette dernière phrase n’a figuré dans aucune Constitution précédente et, selon Gothom Arya, directeur Centre des études sur la paix de l’Université Mahidol, représente « une concession » du gouvernement aux groupes bouddhistes nationalistes, qui, à chaque fois qu’une nouvelle Constitution est en cours de rédaction, font pression pour que le bouddhisme soit reconnu comme « religion nationale ».
De plus, l’article 67 ne comporte pas, contrairement à la plupart des Constitutions précédentes, de référence à l’importance de « l’harmonie religieuse ».
Interrogée par Eglises d’Asie, Angkhana Neelapaijit, la première musulmane à faire partie de la Commission nationale des droits de l’homme, indique que les musulmans sont inquiets de la formulation de l’article 67. « Les musulmans thaïlandais ont peur que l’Etat ne soutiennent pas fortement les musulmans. Il y a des obstacles pour que les musulmans jouissent pleinement du droit à exercer leur religion », précise-t-elle. Selon elle, l’article 67 donne l’impression aux musulmans que le bouddhisme se voit accorder un statut supérieur aux autres religions.
Elle mentionne notamment un projet de loi sur le Hadj, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, et qui impose à l’Etat de soutenir financièrement les musulmans thaïlandais pour les aider à effectuer le pèlerinage à La Mecque. « Certains groupes bouddhistes sont opposés à cette loi. Mais elle est très importante pour les musulmans qui se sont battus depuis de nombreuses années pour obtenir une telle loi », indique-t-elle encore.
Selon l’agence Fides, la minorité catholique de Thaïlande (environ 0,5 % de la population) ne se dit, quant à elle, pas inquiète de ce nouvel article. « Nos activités pastorales ne sont pas troublées ou modifiées. (…) La communauté catholique ne s’occupe pas des questions politiques, mais continue de mener ses activités », a déclaré à l’agence de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples le P. Peter Watchasin, directeur national des Œuvres pontificales missionnaires de Thaïlande.
Inquiétude des musulmans vis-à-vis de l’article 67 de la Constitution
Plusieurs analystes ont attribué à cet article constitutionnel sur les religions la forte proportion de votes défavorables au projet de Constitution dans les trois provinces du Sud du pays – Yala, Pattani et Narathiwat – lors du référendum constitutionnel du 7 août. Une insurrection ethno-nationaliste contre l’Etat central prévaut depuis des décennies dans ces provinces peuplées à 80 % de musulmans de culture malaise. Elle s’est intensifiée depuis 2004 et a provoqué depuis cette date près de 7 000 morts, tant chez les bouddhistes que chez les musulmans.
L’analyse des résultats du scrutin et la prise en compte des réactions d’inquiétudes vis-à-vis de l’article 67 ont mené la junte militaire, au pouvoir depuis le coup d’Etat de mai 2014, à prendre le 22 août dernier un décret visant à « compléter » cet article. Le décret a pour objet d’« empêcher les actes qui menacent le bouddhisme et les autres religions » et reprend l’appel traditionnel à « l’harmonie religieuse » ; il met aussi en place un comité pour « empêcher les actes qui menacent le bouddhisme et les autres religions ».
Les musulmans thaïlandais ont accueilli ce décret avec un certain scepticisme, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un geste de bonne volonté du régime militaire pour « corriger le tir ».
La controverse autour de l’article 67 intervient alors que les tensions entre bouddhistes et musulmans se sont accrues ces derniers mois. En novembre dernier, Phra Apichat Promjan, un moine bouddhiste de Bangkok, a appelé les bouddhistes à « brûler une mosquée pour chaque moine bouddhiste tué dans le Sud thaïlandais ». Son appel, qui faisait suite à l’assassinat de plusieurs moines bouddhistes dans les provinces du Sud, avait été largement diffusé sur les réseaux sociaux avant que le gouvernement n’intime au bonze d’arrêter de s’exprimer sur ce sujet.
En janvier dernier, un projet de vaste « parc bouddhiste » lancé par les autorités bouddhistes locales de la ville de Pattani (où 80 % de la population est musulmane), avait été suspendu par la junte après une vague de critiques des musulmans de la région. Le mois suivant, en février 2016, des groupes bouddhistes et des bonzes de la ville de Chiang Mai, dans le nord du pays, se sont opposés à l’établissement d’une zone pour l’industrie alimentaire halal, affirmant que cela « détruirait le patrimoine culturel de la province ».
Selon Angkhana Neelapaijit, le décret du 22 mai vise à apaiser ces tensions ou, à tout le moins, à ne pas les attiser. « Il reste à voir si cela peut rétablir l’harmonie », conclut-elle.
(Source: Eglises d'Asie, le 7 octobre 2016)