Un grand silence a suivi la brusque explosion de critiques déclenchée par un projet de loi sur la religion et les croyances, appelé projet N° 4, sans que l’on ait jamais eu vent des projets précédents. Les responsables religieux, catholiques et autres, ont fait connaître leur opinion, entièrement négative, sans prendre de précautions et, quelquefois, avec une pointe d’ironie.
Rien n’a filtré des réactions gouvernementales à cette mauvaise humeur des responsables religieux. Pour le moment, on ne trouve rien à ce sujet sur le site Internet du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses, site qui avait annoncé l’élaboration de ce projet d’une manière très discrète quelque temps avant qu’il ne soit communiqué aux principales communautés religieuses du pays.
On peut se demander quel sera l’avenir de ce projet dont le vote à l’Assemblée nationale semble avoir été prévu pour l’année 2016. Malgré son rejet unanime par les principaux intéressés, il est probable qu’il ne sera pas abandonné, ne serait-ce que parce qu’il est l’objectif fixé à la politique religieuse depuis plusieurs dizaines d’années.
Quoi qu’il en soit et bien que les interventions des évêques aient montré son inutilité foncière pour l’exercice de la liberté religieuse, ce texte, malgré tous ses défauts et son ambiguïté, n’est pas sans intérêt dans la mesure où il révèle à sa manière la conception actuelle du Parti et du gouvernement à l’égard du phénomène religieux et la place qu’il tient dans son projet de politique générale. A cet égard, l’article 3, consacré au vocabulaire religieux, est particulièrement révélateur de l’angle de vision sous lequel les sphères dirigeantes du pays considèrent les communautés religieuses.
L’article 3 contient une série de définitions (ou de descriptions) des principaux termes employés dans le projet. Après avoir défini succinctement le type de personnes impliquées dans l’exercice de la religion, à savoir le croyant, le religieux (moine), le dignitaire (clergé), l’article s’attache à expliquer ou à décrire les deux mots « Croyances » et « Religion », des termes employés dans l’intitulé même de la loi.
Depuis le début des années 2000, période de l’élaboration de l’Ordonnance sur les croyances et la religion mise en vigueur en 2004, le système des « croyances » et la « religion » sont nettement distingués l’un de l’autre et recouvrent des réalités bien différentes.
Les croyants sont définis à partir de leurs manifestations visibles : hoat dông tin nguong (hoạt động tín ngưỡng), qui peut se traduire par « activités » ou encore « manifestations » des croyances. Le texte dit : « Ce sont des manifestations qui expriment la vénération des ancêtres, la commémoration et la glorification des personnes ayant acquis du mérite à l’égard de la nation ou de la communauté locale, ou encore des offrandes offertes aux génies, aux héros … ». On voit là que le terme de « croyances » vise les manifestations de religiosité traditionnelle, en particulier lorsqu’elles concernent l’histoire du pays ou de la région. Il faut noter qu’il n’est pas question, semble-t-il, du culte des ancêtres tel qu’il est pratiqué à l’intérieur des maisons familiales. Ce culte familial, la plus importante marque de religiosité au Vietnam, est le grand absent de ce projet N° 4.
Le domaine des croyances semble intéresser particulièrement les autorités dès lors qu’elles ont un rapport à l’histoire du pays. Celle-ci, ou, du moins, son récit, a toujours été l’objet d’un contrôle étroit du Parti. Il fut un temps où les professeurs d’histoire étaient obligatoirement des membres du Parti communiste.
Vient ensuite la définition du domaine proprement « religieux ». Plusieurs définitions ou descriptions sont proposées, qui empiètent plus ou moins les unes sur les autres. Il est d’abord parlé de sinh hoat tôn giao (sinh hoạt tôn giá) que l’on pourrait traduire par « la vie religieuse ». Celle-ci, selon le projet de loi, comprend trois éléments : la réalisation des cérémonies du culte, la prière et l’expression de la foi religieuse. Cette première définition est complétée par une seconde : celle de hoat dông tôn giao (hoạt động tôn giáo), soit « les manifestations religieuses ». Elles sont ainsi énumérées : la « propagation », la « mise en œuvre de la doctrine, de la réglementation religieuse, des cérémonies, de la gestion de l’organisation religieuse ».
L’aspect communautaire, la pratique religieuse enfin sont décrits par l’introduction du concept d’« organisation religieuse ». Un terme qui depuis 2004 remplace le mot Eglise, employé autrefois. « L’organisation religieuse, est-il dit, rassemble les personnes adhérant à un même système doctrinal, à une même réglementation religieuse, une même liturgie (…). »
Cette triple définition du religieux par « la vie religieuse » et « les œuvres religieuses » nous instruit sur ce que les textes officiels appellent eux-mêmes « la gestion du religieux par l’Etat ». L’Etat n’est pas seulement concerné par les aspects sociaux du domaine religieux, mais aussi par sa vie intérieure (culte, prière, expression de la foi). C’est notamment cette ingérence dans la vie intérieure des communautés religieuses qui a provoqué les fortes réactions des communautés religieuses. (eda/jm)
(Source: Eglises d'Asie, le 8 juin 2015)
Rien n’a filtré des réactions gouvernementales à cette mauvaise humeur des responsables religieux. Pour le moment, on ne trouve rien à ce sujet sur le site Internet du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses, site qui avait annoncé l’élaboration de ce projet d’une manière très discrète quelque temps avant qu’il ne soit communiqué aux principales communautés religieuses du pays.
On peut se demander quel sera l’avenir de ce projet dont le vote à l’Assemblée nationale semble avoir été prévu pour l’année 2016. Malgré son rejet unanime par les principaux intéressés, il est probable qu’il ne sera pas abandonné, ne serait-ce que parce qu’il est l’objectif fixé à la politique religieuse depuis plusieurs dizaines d’années.
Quoi qu’il en soit et bien que les interventions des évêques aient montré son inutilité foncière pour l’exercice de la liberté religieuse, ce texte, malgré tous ses défauts et son ambiguïté, n’est pas sans intérêt dans la mesure où il révèle à sa manière la conception actuelle du Parti et du gouvernement à l’égard du phénomène religieux et la place qu’il tient dans son projet de politique générale. A cet égard, l’article 3, consacré au vocabulaire religieux, est particulièrement révélateur de l’angle de vision sous lequel les sphères dirigeantes du pays considèrent les communautés religieuses.
L’article 3 contient une série de définitions (ou de descriptions) des principaux termes employés dans le projet. Après avoir défini succinctement le type de personnes impliquées dans l’exercice de la religion, à savoir le croyant, le religieux (moine), le dignitaire (clergé), l’article s’attache à expliquer ou à décrire les deux mots « Croyances » et « Religion », des termes employés dans l’intitulé même de la loi.
Depuis le début des années 2000, période de l’élaboration de l’Ordonnance sur les croyances et la religion mise en vigueur en 2004, le système des « croyances » et la « religion » sont nettement distingués l’un de l’autre et recouvrent des réalités bien différentes.
Les croyants sont définis à partir de leurs manifestations visibles : hoat dông tin nguong (hoạt động tín ngưỡng), qui peut se traduire par « activités » ou encore « manifestations » des croyances. Le texte dit : « Ce sont des manifestations qui expriment la vénération des ancêtres, la commémoration et la glorification des personnes ayant acquis du mérite à l’égard de la nation ou de la communauté locale, ou encore des offrandes offertes aux génies, aux héros … ». On voit là que le terme de « croyances » vise les manifestations de religiosité traditionnelle, en particulier lorsqu’elles concernent l’histoire du pays ou de la région. Il faut noter qu’il n’est pas question, semble-t-il, du culte des ancêtres tel qu’il est pratiqué à l’intérieur des maisons familiales. Ce culte familial, la plus importante marque de religiosité au Vietnam, est le grand absent de ce projet N° 4.
Le domaine des croyances semble intéresser particulièrement les autorités dès lors qu’elles ont un rapport à l’histoire du pays. Celle-ci, ou, du moins, son récit, a toujours été l’objet d’un contrôle étroit du Parti. Il fut un temps où les professeurs d’histoire étaient obligatoirement des membres du Parti communiste.
Vient ensuite la définition du domaine proprement « religieux ». Plusieurs définitions ou descriptions sont proposées, qui empiètent plus ou moins les unes sur les autres. Il est d’abord parlé de sinh hoat tôn giao (sinh hoạt tôn giá) que l’on pourrait traduire par « la vie religieuse ». Celle-ci, selon le projet de loi, comprend trois éléments : la réalisation des cérémonies du culte, la prière et l’expression de la foi religieuse. Cette première définition est complétée par une seconde : celle de hoat dông tôn giao (hoạt động tôn giáo), soit « les manifestations religieuses ». Elles sont ainsi énumérées : la « propagation », la « mise en œuvre de la doctrine, de la réglementation religieuse, des cérémonies, de la gestion de l’organisation religieuse ».
L’aspect communautaire, la pratique religieuse enfin sont décrits par l’introduction du concept d’« organisation religieuse ». Un terme qui depuis 2004 remplace le mot Eglise, employé autrefois. « L’organisation religieuse, est-il dit, rassemble les personnes adhérant à un même système doctrinal, à une même réglementation religieuse, une même liturgie (…). »
Cette triple définition du religieux par « la vie religieuse » et « les œuvres religieuses » nous instruit sur ce que les textes officiels appellent eux-mêmes « la gestion du religieux par l’Etat ». L’Etat n’est pas seulement concerné par les aspects sociaux du domaine religieux, mais aussi par sa vie intérieure (culte, prière, expression de la foi). C’est notamment cette ingérence dans la vie intérieure des communautés religieuses qui a provoqué les fortes réactions des communautés religieuses. (eda/jm)
(Source: Eglises d'Asie, le 8 juin 2015)