A la suite de plaintes émanant de gouvernements de pays musulmans à l’encontre de protestants sud-coréens jugés trop prosélytes, Séoul a décidé de réagir. Cet été, l’Iran, la Jordanie et le Yémen ont expulsé 80 ressortissants sud-coréens, au motif principal de prosélytisme, une activité interdite dans ces pays. Selon l’agence Ucanews (1), le ministre des Affaires étrangères sud-coréen a envoyé, le 21 août dernier, au KWMA (Korean World Missions Association), un rassemblement de 142 Eglises missionnaires protestantes, un courrier dont le contenu n’a pas été révélé à la presse, le sujet ayant été jugé « trop sensible » par les deux parties.
Des informations ont cependant filtré, selon lesquelles le ministre aurait menacé de retirer ou du moins de restreindre la délivrance et la durée de leurs passeports aux ressortissants expulsés, spécialement aux missionnaires travaillant au Moyen-Orient. Le gouvernement sud-coréen a en effet la possibilité de retirer les passeports de ceux qui ont « porté atteinte à la dignité de la nation », sur une durée pouvant aller d’un à trois ans. Un responsable du ministère des Affaires étrangères, cité par le quotidien coréen Chosun Ilbo du 27 août, a déclaré que le gouvernement craignait que « le comportement offensif » des missionnaires ne provoque « des attaques dirigées non seulement contre les missionnaires eux-mêmes mais aussi contre l’ensemble des Coréens voyageant en simples touristes ».
Ce n’est pas la première fois que Séoul prend des mesures pour modérer l’ardeur missionnaire des protestants, en particulier des évangéliques, de plus en plus nombreux dans le pays. A la suite de la dramatique « affaire des otages » de 2007 où 23 jeunes protestants sud-coréens avaient été enlevés – et deux d’entre eux exécutés – par les talibans en Afghanistan (2), le ministère des Affaires étrangères avait interdit aux missionnaires et à leurs acolytes, les séjours dans les zones « à risque » de la planète (comme l’Iran, l’Afghanistan et la Somalie), précisant que les contrevenants seraient passibles d’une peine allant jusqu’à un an de prison et une amende de trois millions de wons (1 700 euros). Le Conseil national des Eglises en Corée, principal regroupement des communautés protestantes, avait alors déclaré que leur travail missionnaire serait désormais mené de façon plus prudente (3). En échange de la libération des otages, le gouvernement sud-coréen s’était engagé à rapatrier ses missionnaires présents en Afghanistan et à ne plus en envoyer. Mais, en 2006, quelque 2 000 évangéliques sud-coréens avaient bravé l’interdiction de Séoul et s’étaient rendus en Afghanistan, munis d’un visa de touriste, avant d’être, pour la plupart d’entre eux, expulsés.
Aujourd’hui, l’évangélisation en terre d’islam continue d’être la préoccupation principale des missionnaires protestants sud-coréens. On peut ainsi lire sur une brochure, largement utilisée par les membres de nombreuses Eglises protestantes locales, dont la puissante Eglise du Plein Evangile de Yoido (Yoido Full Gospel Church) (4), un appel aux chrétiens de prier pendant le ramadan afin que « les musulmans entrent dans le royaume éternel de Jésus ».
Quant au groupe missionnaire Middle East Team (MET), son site Internet proclame que ses membres doivent prier pour « vaincre les forces du mal qui règnent sur les régions islamiques et proclamer la victoire de Jésus-Christ ». Le MET, fondé en 1984, est le premier groupe de missionnaires coréens à être parti évangéliser les pays musulmans.
Selon le P. Kim Myong-dong, supérieur général de la Société des missionnaires coréens (KMS), les méthodes des missionnaires coréens protestants sont sensiblement différentes de celles des missionnaires catholiques. Les protestants « doivent apprendre à respecter le sentiment religieux, l’histoire et la culture » des peuples qu’ils veulent rencontrer, explique-t-il. « Sinon, une approche missionnaire de ce type ne tiendra pas à long terme. » Il critique toutefois la réaction du gouvernement: « Cette restriction semble avoir été mise en place pour protéger la réputation de l’Etat et non pas pour la sécurité des gens, et ceci est inqualifiable. » Il souligne par ailleurs qu’«étant donné que les Eglises protestantes ont de nombreux missionnaires, elles pourront poursuivre leurs activités malgré les restrictions du gouvernement ».
Les méthodes d’évangélisation des protestants coréens sont également critiquées par les bouddhistes, dans un pays où cette religion traditionnellement dominante est pratiquée par plus de 49 millions de croyants. L’animosité de ces derniers s’est renforcée depuis qu’en 2006, un grand rassemblement évangélique a fait prier pour que « tous les temples bouddhistes soient démolis ». L’affaire avait fortement embarrassé Lee Myung-bak, alors candidat aux élections présidentielles (5), qui apparaissait en vidéo lors du meeting. Il avait par la suite présenté des excuses aux bouddhistes, disant qu’il n’avait jamais eu connaissance de ces intentions de prière.
Après les Etats-Unis, la Corée du Sud est le pays qui envoie le plus de missionnaires à l’étranger. Selon des sources protestantes, il y aurait plus de 17 000 missionnaires sud-coréens dans quelque 170 pays.
(1) Ucanews, 10 septembre 2009
(2) Le 19 juillet 2007, 23 Sud-Coréens, dont 18 femmes, tous membres de l’Eglise presbytérienne de mouvance évangélique, La Communauté de Saemmul, en voyage humanitaire et missionnaire en Afghanistan avec leur pasteur, sont enlevés par les talibans. Ces derniers demandent la libération de 23 des leurs en échange des otages. Après le refus de Kaboul, les talibans exécutent successivement deux otages et réclament des négociations avec le gouvernement sud-coréen. Le 30 août, après de longues tractations, les derniers otages sont libérés. La Corée du Sud s’engage à retirer ses 200 militaires encore présents en Afghanistan et à ne plus envoyer de missionnaires chrétiens dans le pays.
(3) Voir EDA 468.
(4) La Yoido Full Gospel Church, fondée en Corée, passe pour être la plus importante Eglise pentecôtiste du monde; elle revendique plus de 800 000 fidèles.
(5) Lee Myung-bak, protestant convaincu, a été élu président de la République en 2007 (pour un mandat de cinq ans).
(Source: Eglises d'Asie, 11 septembre 2009)
Des informations ont cependant filtré, selon lesquelles le ministre aurait menacé de retirer ou du moins de restreindre la délivrance et la durée de leurs passeports aux ressortissants expulsés, spécialement aux missionnaires travaillant au Moyen-Orient. Le gouvernement sud-coréen a en effet la possibilité de retirer les passeports de ceux qui ont « porté atteinte à la dignité de la nation », sur une durée pouvant aller d’un à trois ans. Un responsable du ministère des Affaires étrangères, cité par le quotidien coréen Chosun Ilbo du 27 août, a déclaré que le gouvernement craignait que « le comportement offensif » des missionnaires ne provoque « des attaques dirigées non seulement contre les missionnaires eux-mêmes mais aussi contre l’ensemble des Coréens voyageant en simples touristes ».
Ce n’est pas la première fois que Séoul prend des mesures pour modérer l’ardeur missionnaire des protestants, en particulier des évangéliques, de plus en plus nombreux dans le pays. A la suite de la dramatique « affaire des otages » de 2007 où 23 jeunes protestants sud-coréens avaient été enlevés – et deux d’entre eux exécutés – par les talibans en Afghanistan (2), le ministère des Affaires étrangères avait interdit aux missionnaires et à leurs acolytes, les séjours dans les zones « à risque » de la planète (comme l’Iran, l’Afghanistan et la Somalie), précisant que les contrevenants seraient passibles d’une peine allant jusqu’à un an de prison et une amende de trois millions de wons (1 700 euros). Le Conseil national des Eglises en Corée, principal regroupement des communautés protestantes, avait alors déclaré que leur travail missionnaire serait désormais mené de façon plus prudente (3). En échange de la libération des otages, le gouvernement sud-coréen s’était engagé à rapatrier ses missionnaires présents en Afghanistan et à ne plus en envoyer. Mais, en 2006, quelque 2 000 évangéliques sud-coréens avaient bravé l’interdiction de Séoul et s’étaient rendus en Afghanistan, munis d’un visa de touriste, avant d’être, pour la plupart d’entre eux, expulsés.
Aujourd’hui, l’évangélisation en terre d’islam continue d’être la préoccupation principale des missionnaires protestants sud-coréens. On peut ainsi lire sur une brochure, largement utilisée par les membres de nombreuses Eglises protestantes locales, dont la puissante Eglise du Plein Evangile de Yoido (Yoido Full Gospel Church) (4), un appel aux chrétiens de prier pendant le ramadan afin que « les musulmans entrent dans le royaume éternel de Jésus ».
Quant au groupe missionnaire Middle East Team (MET), son site Internet proclame que ses membres doivent prier pour « vaincre les forces du mal qui règnent sur les régions islamiques et proclamer la victoire de Jésus-Christ ». Le MET, fondé en 1984, est le premier groupe de missionnaires coréens à être parti évangéliser les pays musulmans.
Selon le P. Kim Myong-dong, supérieur général de la Société des missionnaires coréens (KMS), les méthodes des missionnaires coréens protestants sont sensiblement différentes de celles des missionnaires catholiques. Les protestants « doivent apprendre à respecter le sentiment religieux, l’histoire et la culture » des peuples qu’ils veulent rencontrer, explique-t-il. « Sinon, une approche missionnaire de ce type ne tiendra pas à long terme. » Il critique toutefois la réaction du gouvernement: « Cette restriction semble avoir été mise en place pour protéger la réputation de l’Etat et non pas pour la sécurité des gens, et ceci est inqualifiable. » Il souligne par ailleurs qu’«étant donné que les Eglises protestantes ont de nombreux missionnaires, elles pourront poursuivre leurs activités malgré les restrictions du gouvernement ».
Les méthodes d’évangélisation des protestants coréens sont également critiquées par les bouddhistes, dans un pays où cette religion traditionnellement dominante est pratiquée par plus de 49 millions de croyants. L’animosité de ces derniers s’est renforcée depuis qu’en 2006, un grand rassemblement évangélique a fait prier pour que « tous les temples bouddhistes soient démolis ». L’affaire avait fortement embarrassé Lee Myung-bak, alors candidat aux élections présidentielles (5), qui apparaissait en vidéo lors du meeting. Il avait par la suite présenté des excuses aux bouddhistes, disant qu’il n’avait jamais eu connaissance de ces intentions de prière.
Après les Etats-Unis, la Corée du Sud est le pays qui envoie le plus de missionnaires à l’étranger. Selon des sources protestantes, il y aurait plus de 17 000 missionnaires sud-coréens dans quelque 170 pays.
(1) Ucanews, 10 septembre 2009
(2) Le 19 juillet 2007, 23 Sud-Coréens, dont 18 femmes, tous membres de l’Eglise presbytérienne de mouvance évangélique, La Communauté de Saemmul, en voyage humanitaire et missionnaire en Afghanistan avec leur pasteur, sont enlevés par les talibans. Ces derniers demandent la libération de 23 des leurs en échange des otages. Après le refus de Kaboul, les talibans exécutent successivement deux otages et réclament des négociations avec le gouvernement sud-coréen. Le 30 août, après de longues tractations, les derniers otages sont libérés. La Corée du Sud s’engage à retirer ses 200 militaires encore présents en Afghanistan et à ne plus envoyer de missionnaires chrétiens dans le pays.
(3) Voir EDA 468.
(4) La Yoido Full Gospel Church, fondée en Corée, passe pour être la plus importante Eglise pentecôtiste du monde; elle revendique plus de 800 000 fidèles.
(5) Lee Myung-bak, protestant convaincu, a été élu président de la République en 2007 (pour un mandat de cinq ans).
(Source: Eglises d'Asie, 11 septembre 2009)