Vietnam 09/06/2016 - Pour les Vietnamiens de diverses générations, mais aussi pour les nombreux étrangers venus visiter la région nord-ouest du pays, le nom de Diên Biên Phu évoque la grande et sanglante bataille (13 mars-7 mai 1954) qui modifia durablement le destin des deux pays impliqués dans le conflit, la France et le Vietnam. Il arrive cependant qu’une interrogation traverse l’esprit de certains visiteurs: « Pourquoi ne voit-on
pas une seule église dans la région ? Pourquoi, nulle part, les icônes de la foi catholique ne sont-elles ouvertement affichées ? » Pour les personnes plus âgées ou les historiens, la constatation est d’autant plus troublante que l’on sait pertinemment par les chroniques religieuses, parallèles à celles de la guerre, que quelques années avant la bataille, certains prêtres des Missions Etrangères de Paris (MEP), comme les PP. Paul Guidon, Paul Guerry et d’autres, s’étaient lancés dans l’évangélisation des minorités ethniques régionales, thai et h’mong notamment, dans les provinces de Diên Biên et de Lai Chau, à partir de la paroisse de Sapa.
Il aura fallu quelque soixante-deux ans pour que la situation change. Il y a quelques mois, les autorités de la province ont en effet officiellement rompu avec ce black-out officiel sur les épiphénomènes religieux. Ils ont reconnu officiellement la paroisse de Diên Biên, qui emprunte son nom à la province où se trouve l’emplacement de la très célèbre cuvette. Cette reconnaissance par les autorités civiles a permis à l’évêque du diocèse de Hung Hoa, Mgr Jean-Marie Vu Tât, de venir sur place, le 30 mai dernier, présider une messe en plein air au cours de laquelle furent nommés le curé et le vicaire de la nouvelle paroisse. Une bonne partie du clergé de ce diocèse très étendu géographiquement était venue concélébrer, accompagné par 400 laïcs appartenant aux diverses communautés catholiques de la province. Les chants étaient assurés par une chorale d’enfants venus des minorités montagnardes.
La paroisse est immense et s’étend sur toute la province. Mais le curé choisi par l’évêque a une longue expérience des communautés montagnardes de la région, qu’il dessert depuis de nombreuses années. A l’heure actuelle, la province de Diên Biên abrite quelque 2 200 catholiques. Ces derniers sont divisés en une dizaine de communautés plus ou moins autonomes. Parmi eux, environ 1 200 appartiennent à l’ethnie minoritaire des H’mongs. Jusqu’à présent, durant les dix dernières années, ils avaient été pris en charge par l’actuel curé de Sapa, la paroisse de Saâ, situé au pied du point culminant du Vietnam, le mont Fansipan (3 143 m.). C’est lui qui assurait les cérémonies religieuses pour ces catholiques dispersés, dans des conditions très difficiles. Deux autres provinces, au sein du diocèse, étaient dans le même cas que Diên Biên, privées de structures religieuses régulières (lieux de culte, clergé, etc.). Il s’agissait des provinces de Son La et de Lai Châu. L’ouverture de Diên Biên au culte laisse désormais espérer pour les autres provinces.
L’érection d’une paroisse à Diên Biên Phu, après une absence de présence visible du catholicisme de plus de 62 ans, amène à se tourner vers les premières tentatives d’évangélisation qui ont eu lieu au sein des minorités montagnardes de la région (Sapa, Lai Chau, Diên Biên). Ces tentatives ont été entreprises autour des années 1950 par quelques prêtres des Missions étrangères de l’époque, en particulier les PP. Guidon et Guerry, qui tous deux se sont retrouvés impliqués dans la célèbre bataille.
Dans un texte destiné à fournir un compte rendu de la bataille à ses supérieurs (1), le P. Guerry parle de la fameuse cuvette. Après avoir cité son confrère, le P. Paul Guidon, qu’il qualifie de « géant de l’apostolat missionnaire », il écrit: « Depuis bien longtemps, en effet, nous pensions que cette immense et riante cuvette de 20 kilomètres de long et de 5 de large, serait le berceau du christianisme au pays Taï, et que les premiers missionnaires qui y commenceraient leur action apostolique, seraient vraiment les « gâtés » du Seigneur. » Il explique ensuite comment, quelques mois après leur arrivée en 1953, les deux missionnaires se sont retrouvés aumôniers de l’armée française, puis, à la fin des hostilités, prisonniers du Vietminh (2).
(1) Archives des Missions Etrangères de Paris.
(2) Fait prisonnier après la chute de Diên Biên Phu, le P. Paul Guerry (1922-1992) sera libéré, puis rapatrié en octobre 1954. Il part ensuite pour le Brésil. En 1956, il est incardiné dans le diocèse de Petropolis et chargé de la paroisse de Sao Mateus. Il meurt au Brésil le 16 février 1992.
Le P. Paul Guidon (1912-1973) sera prisonnier jusqu'au 4 septembre 1954. Libéré, il passe une année en France jusqu'au 20 octobre 1955, avant d’être nommé à Ubon, en Thaïlande, où il s'occupera des Vietnamiens du diocèse. En novembre 1962, il est nommé curé de Se Song. En février 1965, il est nommé aumônier du couvent d'Ubon. Il meurt à l'hôpital de Bangkok, le 9 mars 1973 et a été inhumé au cimetière catholique d'Ubon.
(Source: Eglises d'Asie, le 9 juin 2016)
Il aura fallu quelque soixante-deux ans pour que la situation change. Il y a quelques mois, les autorités de la province ont en effet officiellement rompu avec ce black-out officiel sur les épiphénomènes religieux. Ils ont reconnu officiellement la paroisse de Diên Biên, qui emprunte son nom à la province où se trouve l’emplacement de la très célèbre cuvette. Cette reconnaissance par les autorités civiles a permis à l’évêque du diocèse de Hung Hoa, Mgr Jean-Marie Vu Tât, de venir sur place, le 30 mai dernier, présider une messe en plein air au cours de laquelle furent nommés le curé et le vicaire de la nouvelle paroisse. Une bonne partie du clergé de ce diocèse très étendu géographiquement était venue concélébrer, accompagné par 400 laïcs appartenant aux diverses communautés catholiques de la province. Les chants étaient assurés par une chorale d’enfants venus des minorités montagnardes.
La paroisse est immense et s’étend sur toute la province. Mais le curé choisi par l’évêque a une longue expérience des communautés montagnardes de la région, qu’il dessert depuis de nombreuses années. A l’heure actuelle, la province de Diên Biên abrite quelque 2 200 catholiques. Ces derniers sont divisés en une dizaine de communautés plus ou moins autonomes. Parmi eux, environ 1 200 appartiennent à l’ethnie minoritaire des H’mongs. Jusqu’à présent, durant les dix dernières années, ils avaient été pris en charge par l’actuel curé de Sapa, la paroisse de Saâ, situé au pied du point culminant du Vietnam, le mont Fansipan (3 143 m.). C’est lui qui assurait les cérémonies religieuses pour ces catholiques dispersés, dans des conditions très difficiles. Deux autres provinces, au sein du diocèse, étaient dans le même cas que Diên Biên, privées de structures religieuses régulières (lieux de culte, clergé, etc.). Il s’agissait des provinces de Son La et de Lai Châu. L’ouverture de Diên Biên au culte laisse désormais espérer pour les autres provinces.
Dans un texte destiné à fournir un compte rendu de la bataille à ses supérieurs (1), le P. Guerry parle de la fameuse cuvette. Après avoir cité son confrère, le P. Paul Guidon, qu’il qualifie de « géant de l’apostolat missionnaire », il écrit: « Depuis bien longtemps, en effet, nous pensions que cette immense et riante cuvette de 20 kilomètres de long et de 5 de large, serait le berceau du christianisme au pays Taï, et que les premiers missionnaires qui y commenceraient leur action apostolique, seraient vraiment les « gâtés » du Seigneur. » Il explique ensuite comment, quelques mois après leur arrivée en 1953, les deux missionnaires se sont retrouvés aumôniers de l’armée française, puis, à la fin des hostilités, prisonniers du Vietminh (2).
(1) Archives des Missions Etrangères de Paris.
(2) Fait prisonnier après la chute de Diên Biên Phu, le P. Paul Guerry (1922-1992) sera libéré, puis rapatrié en octobre 1954. Il part ensuite pour le Brésil. En 1956, il est incardiné dans le diocèse de Petropolis et chargé de la paroisse de Sao Mateus. Il meurt au Brésil le 16 février 1992.
Le P. Paul Guidon (1912-1973) sera prisonnier jusqu'au 4 septembre 1954. Libéré, il passe une année en France jusqu'au 20 octobre 1955, avant d’être nommé à Ubon, en Thaïlande, où il s'occupera des Vietnamiens du diocèse. En novembre 1962, il est nommé curé de Se Song. En février 1965, il est nommé aumônier du couvent d'Ubon. Il meurt à l'hôpital de Bangkok, le 9 mars 1973 et a été inhumé au cimetière catholique d'Ubon.
(Source: Eglises d'Asie, le 9 juin 2016)