Le rassemblement de masse organisé aujourd’hui 12 janvier 2012 par cet Etat du centre de l’Inde avait pour but de commémorer l’anniversaire...
... d’un célèbre ascète hindou mais aussi de faire entrer l’exploit dans le Livre Guinness des records. Les chaînes de télévision ont rapporté que plus de 6 000 écoles, soit quelque 10 millions d’enfants, ont effectué simultanément le surya namaskar dans tout l’Etat. Ce rituel d’adoration du dieu soleil Surya, dont l’origine est très ancienne, consiste en une série de mouvements qui doivent être effectués chaque matin, au lever du soleil.
Le ministre-président de l’Etat, Shivraj Singh Chouhan, participait lui-même à l’événement et le signal du départ des enchaînements du surya namaskar a été donné par le média d’Etat, All India Radio. Officiellement, cette manifestation commémorait l’anniversaire de la naissance du swami Vivekananda (1863-1902), considéré comme ayant fait connaître l’hindouisme en Occident. Principal disciple et successeur de Ramakrishna, il a participé en 1893 au Parlement des religions du monde à Chicago.
Les chrétiens, les musulmans et les autres minorités religieuses ayant fait part de leur refus de pratiquer un rituel hindou, le gouvernement avait fini par laisser aux écoles le choix de participer ou non à cette manifestation qui devait initialement se tenir à l’échelle nationale. Mais de nombreux chefs d’établissements chrétiens rapportent avoir subi des pressions de la part des autorités afin que leurs élèves participent au rituel. Une déclaration officielle du P. Anand Muttungal, porte-parole de l’Eglise catholique au Madhya Pradesh, avait pourtant confirmé qu’aucune école chrétienne ne prendrait part à la manifestation orchestrée par l’Etat, étant donné qu’il s’agissait d’un acte cultuel incompatible avec la pratique de leur religion. Les musulmans avaient de leur côté opposé le même refus, avançant les mêmes raisons (1).
Pour le P. Muttungal, habitué à croiser le fer avec l’Etat du Madhya Pradesh, dirigé depuis 2003 par le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), vitrine politique du nationalisme hindou, la question de la pratique du surya namaskar est récurrente. En 2007, il avait déjà pris la tête d’une contestation visant à empêcher la promulgation d’une loi rendant obligatoire le culte du soleil dans toutes les écoles du pays. Chaque directeur d’établissement privé avait reçu un courrier du ministère de l’Education, menaçant de lui retirer son agrément officiel s’il n’incluait pas le surya namaskar quotidien dans son programme scolaire. Chrétiens et musulmans ayant vigoureusement dénoncé une « nouvelle tentative d’hindouisation forcée du système éducatif », la Haute Cour de l’Etat avait finalement statué sur le caractère non obligatoire de la directive ministérielle. Quelques mois auparavant, c’était un « hymne national » que les autorités de l’Etat avaient tenté d’imposer dans toutes les écoles. Le Vande Mataram (‘L’obéissance à la Mère Patrie’) était en réalité un chant du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS), fer du lance du Sangh Parivar, mouvance réunissant les partis hindous extrémistes (2).
Ce 12 janvier, le P. Muttungal a souligné une nouvelle fois la suprématie accordée à l’hindouisme dans toutes les institutions d’Etat, en particulier dans le domaine de l’éducation. Rappelant que la prééminence d’une seule religion aux dépends de toutes les autres constituait une violation flagrante de la Constitution laïque du pays, il a également souligné que ce genre de manifestation ne pouvait que favoriser les tensions entre les élèves appartenant à différentes religions.
Ces dernières années, les attaques à l’encontre des minorités religieuses et de leurs écoles se sont multipliées ainsi que les incidents liés à l’utilisation abusive de la loi anti-conversion (3). Lors des violences antichrétiennes de 2008, le Madhya Pradesh – où les chrétiens représentent moins de 1 % d’une population hindoue à plus de 90 % – avait été le théâtre de nombreuses attaques meurtrières et de destructions de lieux de culte, motivées officiellement par des allégations de conversion forcée (4).
L’Eglise catholique dirige dans l’Etat environ 500 établissements agréés et un nombre équivalent d’écoles privées non agréées.
(1) Ucanews, 12 janvier 2012.
(2) Voir dépêche EDA du 26 mai 2011 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud/inde/madhya-pradesh-des-representants-des-differentes-religions-presentes-dans-l2019etat-s2019insurgent-contre-l2019hindouisation-forcee-du-systeme-educatif
(3) Le Madhya Pradesh applique une loi anti-conversion, en vigueur depuis 1967. La « Freedom of Religion Bill » interdit toute conversion à une autre religion obtenue par « tromperie, fraude ou séduction ». Ces dernières années, les accusations de conversions forcées sont en hausse constante dans l’Etat.
(4) Au sujet des violences antichrétiennes au Madhya Pradesh, voir notamment EDA 487, 492, 494, 512, 520, 525, 528, 537, 541, 544
(Source: Eglises d'Asie, 12 janvier 2012)