Le P. K. J. Thomas, 62 ans, recteur du très réputé séminaire pontifical Saint-Pierre à Bangalore, au Karnataka, a été assassiné avec une grande violence la nuit du dimanche de Pâques par des agresseurs non identifiés et dans des circonstances encore mal définies. La communauté catholique est sous le choc et la police n’écarte pour le moment aucune hypothèse.
« C’est absolument incompréhensible : on ne lui connaissait aucun ennemi, il était très aimé, et venait de voir son mandat reconduit », rapporte à Eglises d’Asie le P. Rossignol, prêtre des Missions Etrangères de Paris (MEP) et ancien recteur lui-même du séminaire de Bangalore.
Le P. Thomas a été retrouvé mort à l’aube du lundi 1er avril, baignant dans son sang, le visage tellement mutilé que ceux qui l’ont découvert ont eu du mal à l’identifier. Les traces de pas, les nombreux coups portés et les traînées de sang semblent indiquer que le prêtre a tenté d’échapper à ses agresseurs – ils auraient été trois selon la police – qui l’auraient poursuivi depuis sa chambre près de l’entrée du bâtiment jusqu’au réfectoire situé au rez-de-chaussée pour finir par le frapper dans la cour centrale où ils lui auraient écrasé le visage et la tête à coups de briques. Le corps du recteur a été ensuite traîné jusqu’à la salle de repos des professeurs où il a été retrouvé au petit matin par le P. Patrick Xavier, économe du séminaire.
La mort a dû survenir entre 2h30 et 3 heures du matin, ce qui concorde avec le témoignage du P. Patrick Xavier, lequel a déclaré avoir entendu du bruit et des cris, mais les avoir attribués à la violente pluie de mousson qui s’abattait alors sur Bangalore. Les deux agents de sécurité du séminaire ont reconnus, quant à eux, avoir quitté leur poste pour se mettre à l’abri de l’orage et s’être endormis.
La police a déclaré ne vouloir écarter aucune piste, le mobile du meurtre demeurant le principal mystère de l’affaire, le P. Thomas étant décrit de façon unanime comme un « homme de paix et de générosité », n’ayant jamais été la cible d’aucune critique ni l’objet d’aucune querelle. Si les enquêteurs, comme l’entourage du prêtre, semblent avoir rapidement écarté l’inimitié personnelle ou la vengeance pour expliquer l’assassinat du recteur, ils considèrent cependant comme une hypothèse crédible le fait que l’attaque ait pu être préméditée.
« Il y a une possibilité que ce meurtre fasse partie de ces agressions anti-chrétiennes qui se produisent hélas de plus en plus fréquemment au Karnataka, reconnaît le P. Rossignol qui rappelle que l’Etat a subi ces dernières années de nombreux actes de violences à l’encontre de prêtres, de religieuses ou un grand nombre de destructions de biens d’Eglise, notamment lors des pogroms de 2008. Mais l’entourage du P. Thomas et les autres prêtres du séminaire pensent qu’il s’agit d’un crime crapuleux, favorisé par les circonstances et la défaillance de la sécurité. »
Cependant, la police, qui avait dans un premier temps envisagé l’hypothèse d’une tentative de vol qui aurait mal tourné, est revenue ensuite sur ses déclarations, soulignant que malgré la mise à sac des bureaux de l’accueil et de la chambre du P. Thomas aucun objet de valeur n’avait été dérobé et que les agresseurs avaient également dédaigné le portable, l’iPad et l’ordinateur du prêtre. L’acharnement avec lequel les trois hommes ont ensuite poursuivi et massacré avec une rare férocité le recteur, ne plaide pas non plus en faveur de l’incident non prémédité.
Selon la police, les agresseurs, qui ont pénétré par la porte principale, « connaissaient les lieux » et « avaient planifié leur action ». L’immense bâtiment était vide de ses 150 pensionnaires – les étudiants venant de partir pour les vacances de Pâques –, les locaux avaient été laissés sans surveillance par les gardes et, autre malheureux concours de circonstances, le commissariat tout proche, qui avait l’habitude d’effectuer des rondes nocturnes devant le séminaire, ne l’avait justement pas fait ce soir-là. Le commissaire chargé de l’enquête a fait également remarquer que des voleurs professionnels auraient difficilement commis certaines erreurs comme d’essayer d’essuyer les traces de sang sur les pavés de la cour avec les vêtements de leur victime, et prendre le temps de saccager les bureaux sans pour autant rien emporter.
Ces récentes déclarations ont contribué à relancer des rumeurs circulant déjà depuis l’annonce du meurtre du recteur lundi 1er avril – sur les réseaux sociaux notamment –, accusant des factions nationalistes du Tamil Nadu ou du Karnataka de s’en être pris au P. Thomas en raison du statut particulier du séminaire Saint-Pierre qui accueille de futurs prêtres en provenance du Karnataka et du Tamil Nadu (1). Certains nationalistes pro-kannada (comme l’Akhila Karnataka Catholic Chraistara Sangha) réclament en effet depuis plusieurs années que le St Peter’s Seminary soit placé sous la direction exclusive d’évêques du Karnataka et n’accueille que des séminaristes issus de cet Etat où se trouve aujourd’hui le prestigieux établissement.
« L’histoire même du Séminaire Saint-Pierre va à l’encontre de ces revendications, (1) explique le P. Rossignol sous la direction duquel s’était effectuée en 1968 le « transfert » du séminaire, fondé et géré par les MEP entre les mains des évêques de Pondichéry (Tamil Nadu) et de Bangalore (Karnataka), pour y recevoir les futurs prêtres en formation des deux Etats. Le P. K. J Thomas était d’ailleurs du Kerala, et nul ne pouvait pas lui reprocher d’être acquis à l’une ou l’autre faction, c’était un homme réputé pour son caractère modéré et conciliant. »
Le recteur, originaire d’Ettumanoor (district de Kottayam) au Kerala, avait été ordonné prêtre pour le diocèse d’Ooty, au Tamil Nadu. Il avait fait ses études au séminaire Saint-Pierre, avant de parfaire sa formation au sein des universités de Mysore, de Madras et de Madurai. Après avoir soutenu une thèse de théologie à l’Université pontificale urbanienne à Rome, il avait rejoint l’équipe du St Peter’s Seminary avant d’être nommé à la tête du département de théologie, puis élu recteur en 2007. Le P. Thomas, dont le mandat avait été renouvelé récemment, avait passé trente ans de sa vie au service de l’institution, à différentes fonctions.
Une messe à la mémoire du P. Thomas s'est tenue hier matin dans la chapelle du séminaire, en présence de milliers de personnes, prêtres et religieuses se pressant aux côtés d’étudiants, de membres d’organisations œcuméniques ou interreligieuses, mais aussi d’hommes politiques divers, du BJP au Congrès.
Mgr Bernard Moras, archevêque de Bangalore, a prononcé un éloge ému du défunt, se faisant l’interprète du choc et de la consternation de la communauté : « Cet homme doux et pieux, qui a été massacré d’une façon terrible, barbare et insensée, est une grande perte pour nous tous, et spécialement pour tous les membres du séminaire. »
Mgr Moras, entouré de plusieurs évêques, a ensuite lu les nombreux messages de condoléances reçus (3) dont celui du cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay, qui s’exprimait au nom de la Conférence des évêques de l’Inde mais aussi à titre personnel, déclarant que P. Thomas avait été pour lui « un ami cher, un prêtre plein d’humilité et de compassion, un homme bon et généreux, aimé de tous ».
L’inhumation du recteur du St Peter’s Seminary est prévue le 8 avril prochain dans son village natal d’Ettumanoor, au Kerala.
(1) Le séminaire Saint-Pierre a été ouvert à Pondichéry par les MEP en 1778 avant d’être déplacé à Bangalore, au Karnataka, en 1934. Premier séminaire régional de l’Inde, il est élevé au rang de séminaire pontifical en 1962. Bien que placé sous l’autorité de l’archevêque de Bangalore (Mgr Moras en est aujourd’hui l’actuel chancelier), le séminaire, en raison de ses origines pondichériennes, accueille les étudiants des deux Etats de l’Inde (les « Académies » de St Peter sont d’ailleurs réparties en trois langues : kannada, anglais et tamoul). Le St Peter’s Pontifical Seminary est aujourd’hui l’un des plus importants centres de formation et de recherche de l’Eglise catholique en Inde : il compte quatre facultés : théologie, philosophie, droit canon et missiologie.
(2) Parmi eux, les messages du nonce apostolique en Inde, Mgr Salavatore Pennacchio, de l’archevêque majeur de l’Eglise syro-malankare, Mar Baselios Cleemis, l’archevêque majeur de l’Eglise catholic syro-malabare, Mar George Alencherry, le cardinal Telesphore Placidus Toppo, archevêque de Ranchi.
(Source: Eglises d'Asie, 3 avril 2013)
« C’est absolument incompréhensible : on ne lui connaissait aucun ennemi, il était très aimé, et venait de voir son mandat reconduit », rapporte à Eglises d’Asie le P. Rossignol, prêtre des Missions Etrangères de Paris (MEP) et ancien recteur lui-même du séminaire de Bangalore.
Le P. Thomas a été retrouvé mort à l’aube du lundi 1er avril, baignant dans son sang, le visage tellement mutilé que ceux qui l’ont découvert ont eu du mal à l’identifier. Les traces de pas, les nombreux coups portés et les traînées de sang semblent indiquer que le prêtre a tenté d’échapper à ses agresseurs – ils auraient été trois selon la police – qui l’auraient poursuivi depuis sa chambre près de l’entrée du bâtiment jusqu’au réfectoire situé au rez-de-chaussée pour finir par le frapper dans la cour centrale où ils lui auraient écrasé le visage et la tête à coups de briques. Le corps du recteur a été ensuite traîné jusqu’à la salle de repos des professeurs où il a été retrouvé au petit matin par le P. Patrick Xavier, économe du séminaire.
La mort a dû survenir entre 2h30 et 3 heures du matin, ce qui concorde avec le témoignage du P. Patrick Xavier, lequel a déclaré avoir entendu du bruit et des cris, mais les avoir attribués à la violente pluie de mousson qui s’abattait alors sur Bangalore. Les deux agents de sécurité du séminaire ont reconnus, quant à eux, avoir quitté leur poste pour se mettre à l’abri de l’orage et s’être endormis.
La police a déclaré ne vouloir écarter aucune piste, le mobile du meurtre demeurant le principal mystère de l’affaire, le P. Thomas étant décrit de façon unanime comme un « homme de paix et de générosité », n’ayant jamais été la cible d’aucune critique ni l’objet d’aucune querelle. Si les enquêteurs, comme l’entourage du prêtre, semblent avoir rapidement écarté l’inimitié personnelle ou la vengeance pour expliquer l’assassinat du recteur, ils considèrent cependant comme une hypothèse crédible le fait que l’attaque ait pu être préméditée.
« Il y a une possibilité que ce meurtre fasse partie de ces agressions anti-chrétiennes qui se produisent hélas de plus en plus fréquemment au Karnataka, reconnaît le P. Rossignol qui rappelle que l’Etat a subi ces dernières années de nombreux actes de violences à l’encontre de prêtres, de religieuses ou un grand nombre de destructions de biens d’Eglise, notamment lors des pogroms de 2008. Mais l’entourage du P. Thomas et les autres prêtres du séminaire pensent qu’il s’agit d’un crime crapuleux, favorisé par les circonstances et la défaillance de la sécurité. »
Cependant, la police, qui avait dans un premier temps envisagé l’hypothèse d’une tentative de vol qui aurait mal tourné, est revenue ensuite sur ses déclarations, soulignant que malgré la mise à sac des bureaux de l’accueil et de la chambre du P. Thomas aucun objet de valeur n’avait été dérobé et que les agresseurs avaient également dédaigné le portable, l’iPad et l’ordinateur du prêtre. L’acharnement avec lequel les trois hommes ont ensuite poursuivi et massacré avec une rare férocité le recteur, ne plaide pas non plus en faveur de l’incident non prémédité.
Selon la police, les agresseurs, qui ont pénétré par la porte principale, « connaissaient les lieux » et « avaient planifié leur action ». L’immense bâtiment était vide de ses 150 pensionnaires – les étudiants venant de partir pour les vacances de Pâques –, les locaux avaient été laissés sans surveillance par les gardes et, autre malheureux concours de circonstances, le commissariat tout proche, qui avait l’habitude d’effectuer des rondes nocturnes devant le séminaire, ne l’avait justement pas fait ce soir-là. Le commissaire chargé de l’enquête a fait également remarquer que des voleurs professionnels auraient difficilement commis certaines erreurs comme d’essayer d’essuyer les traces de sang sur les pavés de la cour avec les vêtements de leur victime, et prendre le temps de saccager les bureaux sans pour autant rien emporter.
Ces récentes déclarations ont contribué à relancer des rumeurs circulant déjà depuis l’annonce du meurtre du recteur lundi 1er avril – sur les réseaux sociaux notamment –, accusant des factions nationalistes du Tamil Nadu ou du Karnataka de s’en être pris au P. Thomas en raison du statut particulier du séminaire Saint-Pierre qui accueille de futurs prêtres en provenance du Karnataka et du Tamil Nadu (1). Certains nationalistes pro-kannada (comme l’Akhila Karnataka Catholic Chraistara Sangha) réclament en effet depuis plusieurs années que le St Peter’s Seminary soit placé sous la direction exclusive d’évêques du Karnataka et n’accueille que des séminaristes issus de cet Etat où se trouve aujourd’hui le prestigieux établissement.
« L’histoire même du Séminaire Saint-Pierre va à l’encontre de ces revendications, (1) explique le P. Rossignol sous la direction duquel s’était effectuée en 1968 le « transfert » du séminaire, fondé et géré par les MEP entre les mains des évêques de Pondichéry (Tamil Nadu) et de Bangalore (Karnataka), pour y recevoir les futurs prêtres en formation des deux Etats. Le P. K. J Thomas était d’ailleurs du Kerala, et nul ne pouvait pas lui reprocher d’être acquis à l’une ou l’autre faction, c’était un homme réputé pour son caractère modéré et conciliant. »
Le recteur, originaire d’Ettumanoor (district de Kottayam) au Kerala, avait été ordonné prêtre pour le diocèse d’Ooty, au Tamil Nadu. Il avait fait ses études au séminaire Saint-Pierre, avant de parfaire sa formation au sein des universités de Mysore, de Madras et de Madurai. Après avoir soutenu une thèse de théologie à l’Université pontificale urbanienne à Rome, il avait rejoint l’équipe du St Peter’s Seminary avant d’être nommé à la tête du département de théologie, puis élu recteur en 2007. Le P. Thomas, dont le mandat avait été renouvelé récemment, avait passé trente ans de sa vie au service de l’institution, à différentes fonctions.
Une messe à la mémoire du P. Thomas s'est tenue hier matin dans la chapelle du séminaire, en présence de milliers de personnes, prêtres et religieuses se pressant aux côtés d’étudiants, de membres d’organisations œcuméniques ou interreligieuses, mais aussi d’hommes politiques divers, du BJP au Congrès.
Mgr Bernard Moras, archevêque de Bangalore, a prononcé un éloge ému du défunt, se faisant l’interprète du choc et de la consternation de la communauté : « Cet homme doux et pieux, qui a été massacré d’une façon terrible, barbare et insensée, est une grande perte pour nous tous, et spécialement pour tous les membres du séminaire. »
Mgr Moras, entouré de plusieurs évêques, a ensuite lu les nombreux messages de condoléances reçus (3) dont celui du cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay, qui s’exprimait au nom de la Conférence des évêques de l’Inde mais aussi à titre personnel, déclarant que P. Thomas avait été pour lui « un ami cher, un prêtre plein d’humilité et de compassion, un homme bon et généreux, aimé de tous ».
L’inhumation du recteur du St Peter’s Seminary est prévue le 8 avril prochain dans son village natal d’Ettumanoor, au Kerala.
(1) Le séminaire Saint-Pierre a été ouvert à Pondichéry par les MEP en 1778 avant d’être déplacé à Bangalore, au Karnataka, en 1934. Premier séminaire régional de l’Inde, il est élevé au rang de séminaire pontifical en 1962. Bien que placé sous l’autorité de l’archevêque de Bangalore (Mgr Moras en est aujourd’hui l’actuel chancelier), le séminaire, en raison de ses origines pondichériennes, accueille les étudiants des deux Etats de l’Inde (les « Académies » de St Peter sont d’ailleurs réparties en trois langues : kannada, anglais et tamoul). Le St Peter’s Pontifical Seminary est aujourd’hui l’un des plus importants centres de formation et de recherche de l’Eglise catholique en Inde : il compte quatre facultés : théologie, philosophie, droit canon et missiologie.
(2) Parmi eux, les messages du nonce apostolique en Inde, Mgr Salavatore Pennacchio, de l’archevêque majeur de l’Eglise syro-malankare, Mar Baselios Cleemis, l’archevêque majeur de l’Eglise catholic syro-malabare, Mar George Alencherry, le cardinal Telesphore Placidus Toppo, archevêque de Ranchi.
(Source: Eglises d'Asie, 3 avril 2013)