Dans l’interview qu’il a accordée au Corriere della Serra et qui a été publiée ce 4 mars, le pape François évoque, parmi d’autres développements, que « des relations existent » entre la Chine et le Saint-Siège. Il dévoile le fait qu’il a écrit une lettre au président Xi Jinping dès l’élection de celui-ci à la présidence de la République populaire de Chine – une élection intervenue trois jours après sa propre élection à la tête de l’Eglise catholique –, et que sa lettre a reçu une réponse du dirigeant chinois.
La question du Corriere della Serra se présente sous la forme de l’affirmation suivante : « Dans quelques années, la plus importante puissance mondiale sera la Chine, avec laquelle le Vatican n’entretient pas de rapports. Comme vous, Matteo Ricci était jésuite ... » Elle entraîne la réponse suivante du pape François : « Nous sommes proches de la Chine. J’ai envoyé une lettre au président Xi Jinping quand il a été élu, trois jours après ma propre élection. Et il m’a répondu. Il existe des relations. C’est un grand peuple que j’aime. »
Ce n’est pas la première fois que le pape François s’exprime publiquement au sujet de la Chine : en avril dernier, après le tremblement de terre qui avait frappé une partie du Sichuan, le pape avait prié pour les victimes du séisme et avait transmis à leur attention, via le Conseil pontifical Cor Unum, un don de 30 000 dollars. Le 22 mai, à l’occasion de la Journée de prière pour l’Eglise en Chine – célébrée chaque 24 mai depuis son institution par le pape Benoît XVI en 2007 –, il avait prié pour les catholiques de Chine afin, notamment, que « leurs engagements difficiles aient toujours plus de prix aux yeux du Seigneur ».
Mais, à travers cette interview au Corriere della Serra, c’est la première fois que le pape fait état de « relations » entre la Chine et le Saint-Siège et rend publique l’existence de cet échange de courriers avec le président Xi Jinping. En février dernier, interviewé par L’Avevenire, le secrétaire d’Etat du Saint-Siège, Mgr Pietro Parolin (élevé depuis à la dignité de cardinal), avait déclaré qu’à la suite de l’élection du pape François, « des signes d’une attention renouvelée envers le Saint-Siège étaient récemment venus de Chine », sans toutefois en préciser la nature.
Selon Kwun Ping-hung, cité par l’agence Ucanews, l’échange de lettres entre le pape François et le président Xi Jinping signifie que les deux hommes ont le désir d’améliorer les relations. « Mais, après tant de hauts et de bas au cours de ces dernières décennies, la Chine et le Vatican savent très bien jusqu’où l’une et l’autre ne peuvent aller et connaissent les difficultés qui se présentent à eux. L’une et l’autre partie sont très conscientes du fait que la route est encore longue », ajoute ce bon connaisseur du dossier vaticano-chinois.
Le Saint-Siège et Pékin n’entretiennent pas de relations diplomatiques et la chronique d’un éventuel établissement de liens diplomatiques entre les deux entités agite périodiquement les vaticanistes et les spécialistes de la Chine.
Historiquement, l’établissement de relations diplomatiques entre la République de Chine et le Saint-Siège remonte au 2 juin 1942. Toutefois, après la prise du pouvoir par les communistes sur le continent en 1949 et le repli consécutif de la République de Chine à Taiwan, Mgr Riberi, internonce en Chine, fut expulsé en 1951 par le régime de Mao Zedong. L’année suivante la nonciature était déménagée à Taipei. Ensuite, après les années 1950, décennie de persécution pour l’Eglise en Chine populaire, et la Révolution culturelle (1966-1976), durant laquelle toute activité religieuse fut bannie, la politique d’ouverture mise en œuvre par Deng Xiaoping à partir de 1979 a permis une reprise graduelle des contacts entre l’Eglise de Chine et l’Eglise universelle, sans pour autant que les relations entre le Vatican et Pékin s’améliorent du tout au tout.
En février dernier, après l’annonce surprise de la renonciation du pape Benoît XVI, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, interrogé par un journaliste étranger au sujet du futur nouveau pape, avait répondu par la déclaration habituelle, à savoir que les relations entre Rome et Pékin s’amélioreraient dans la mesure où le Vatican s’abstiendrait de « s’ingérer dans les affaires intérieures chinoises sous prétexte de religion » et romprait les liens entretenus avec Taiwan, tenu pour une province renégate par Pékin.
Du côté du Saint-Siège, si le souci a toujours été – et reste – de ne pas « sacrifier » l’Eglise qui est à Taiwan sur l’autel des relations diplomatiques à établir entre Pékin et Rome, le véritable point d’achoppement est la liberté religieuse en Chine populaire. Sur la question, non résolue à ce jour, du mode de désignation et de nomination des évêques, un accord reste à trouver mais il ne pourra se faire que si le Saint-Siège obtient des garanties de Pékin pour ce qui concerne le lien de communion des catholiques chinois avec l’Eglise universelle et la liberté religieuse. Entre autres choses, la place et le rôle de l’Association patriotique des catholiques chinois, courroie de transmission des volontés politiques du gouvernement sur la partie « officielle » de l’Eglise, sont à définir.
Quant à une éventuelle visite du pape en Chine – la rumeur a couru récemment que le pape pourrait s’arrêter à Hongkong à l’occasion de son voyage en août prochain en Corée du Sud –, des blogueurs catholiques chinois mettent en garde contre le risque de voir le gouvernement chinois manipuler un tel projet de visite à des fins de propagande. (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 5 mars 2014)
La question du Corriere della Serra se présente sous la forme de l’affirmation suivante : « Dans quelques années, la plus importante puissance mondiale sera la Chine, avec laquelle le Vatican n’entretient pas de rapports. Comme vous, Matteo Ricci était jésuite ... » Elle entraîne la réponse suivante du pape François : « Nous sommes proches de la Chine. J’ai envoyé une lettre au président Xi Jinping quand il a été élu, trois jours après ma propre élection. Et il m’a répondu. Il existe des relations. C’est un grand peuple que j’aime. »
Ce n’est pas la première fois que le pape François s’exprime publiquement au sujet de la Chine : en avril dernier, après le tremblement de terre qui avait frappé une partie du Sichuan, le pape avait prié pour les victimes du séisme et avait transmis à leur attention, via le Conseil pontifical Cor Unum, un don de 30 000 dollars. Le 22 mai, à l’occasion de la Journée de prière pour l’Eglise en Chine – célébrée chaque 24 mai depuis son institution par le pape Benoît XVI en 2007 –, il avait prié pour les catholiques de Chine afin, notamment, que « leurs engagements difficiles aient toujours plus de prix aux yeux du Seigneur ».
Mais, à travers cette interview au Corriere della Serra, c’est la première fois que le pape fait état de « relations » entre la Chine et le Saint-Siège et rend publique l’existence de cet échange de courriers avec le président Xi Jinping. En février dernier, interviewé par L’Avevenire, le secrétaire d’Etat du Saint-Siège, Mgr Pietro Parolin (élevé depuis à la dignité de cardinal), avait déclaré qu’à la suite de l’élection du pape François, « des signes d’une attention renouvelée envers le Saint-Siège étaient récemment venus de Chine », sans toutefois en préciser la nature.
Selon Kwun Ping-hung, cité par l’agence Ucanews, l’échange de lettres entre le pape François et le président Xi Jinping signifie que les deux hommes ont le désir d’améliorer les relations. « Mais, après tant de hauts et de bas au cours de ces dernières décennies, la Chine et le Vatican savent très bien jusqu’où l’une et l’autre ne peuvent aller et connaissent les difficultés qui se présentent à eux. L’une et l’autre partie sont très conscientes du fait que la route est encore longue », ajoute ce bon connaisseur du dossier vaticano-chinois.
Le Saint-Siège et Pékin n’entretiennent pas de relations diplomatiques et la chronique d’un éventuel établissement de liens diplomatiques entre les deux entités agite périodiquement les vaticanistes et les spécialistes de la Chine.
Historiquement, l’établissement de relations diplomatiques entre la République de Chine et le Saint-Siège remonte au 2 juin 1942. Toutefois, après la prise du pouvoir par les communistes sur le continent en 1949 et le repli consécutif de la République de Chine à Taiwan, Mgr Riberi, internonce en Chine, fut expulsé en 1951 par le régime de Mao Zedong. L’année suivante la nonciature était déménagée à Taipei. Ensuite, après les années 1950, décennie de persécution pour l’Eglise en Chine populaire, et la Révolution culturelle (1966-1976), durant laquelle toute activité religieuse fut bannie, la politique d’ouverture mise en œuvre par Deng Xiaoping à partir de 1979 a permis une reprise graduelle des contacts entre l’Eglise de Chine et l’Eglise universelle, sans pour autant que les relations entre le Vatican et Pékin s’améliorent du tout au tout.
En février dernier, après l’annonce surprise de la renonciation du pape Benoît XVI, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, interrogé par un journaliste étranger au sujet du futur nouveau pape, avait répondu par la déclaration habituelle, à savoir que les relations entre Rome et Pékin s’amélioreraient dans la mesure où le Vatican s’abstiendrait de « s’ingérer dans les affaires intérieures chinoises sous prétexte de religion » et romprait les liens entretenus avec Taiwan, tenu pour une province renégate par Pékin.
Du côté du Saint-Siège, si le souci a toujours été – et reste – de ne pas « sacrifier » l’Eglise qui est à Taiwan sur l’autel des relations diplomatiques à établir entre Pékin et Rome, le véritable point d’achoppement est la liberté religieuse en Chine populaire. Sur la question, non résolue à ce jour, du mode de désignation et de nomination des évêques, un accord reste à trouver mais il ne pourra se faire que si le Saint-Siège obtient des garanties de Pékin pour ce qui concerne le lien de communion des catholiques chinois avec l’Eglise universelle et la liberté religieuse. Entre autres choses, la place et le rôle de l’Association patriotique des catholiques chinois, courroie de transmission des volontés politiques du gouvernement sur la partie « officielle » de l’Eglise, sont à définir.
Quant à une éventuelle visite du pape en Chine – la rumeur a couru récemment que le pape pourrait s’arrêter à Hongkong à l’occasion de son voyage en août prochain en Corée du Sud –, des blogueurs catholiques chinois mettent en garde contre le risque de voir le gouvernement chinois manipuler un tel projet de visite à des fins de propagande. (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 5 mars 2014)