L’engin explosif, enveloppé d’un plastique blanc, avait été placé dans un sac en tissu, et abandonné près dela porte d’entrée, ce qui avait alerté le gardien de l’église. Appartenant à lamouvance pentecôtiste des Assemblées de Dieu, l’église de Navajiwan, est situéeen plein cœur de la capitale.
Après avoir fait évacuer lequartier, la police a mis l’engin meurtrier hors d’état de nuire par une suited’explosions à distance. Selon les analyses d’un spécialiste du désamorçagepour l’armée appelé sur les lieux, le sac contenait trois bombes àtrès haut potentiel de destruction, qui auraient causé d’énormes dégâts tanthumains que matériels si elles n’avaient pas été découvertes.
Le Rév. Suman Gurung, pasteur del’église de Navajiwan, a assuré les fidèles que la sécurité des offices et des activitésecclésiales serait renforcée : « Nouscontinuerons à prier, mais tout en restant vigilants. Nous allons désormais contrôlerles sac de tous ceux qui viendront participer aux assemblées ».
Cettetentative d’attentat s’est produite quelques jours à peine après l’explosiond’une bombe devant les locaux de l’UnitedMission to Nepal (UMN), une ONG chrétienne qui gère en partenariat avecl’Etat, des programmes de lutte contre la pauvreté. Labombe, de fabrication artisanale, a explosé en plein midi, le mardi 22 novembre,sans faire de victimes et n’occasionnant que peu de dégâts matériels. Très bienperçu par la population locale, qui bénéficie de ses programmes dedéveloppement, ainsi que de ses hôpitaux et ses écoles, cet organisme chrétieninternational fondé en 1954 n’avait jamais fait l’objet de menaces.
Les deux attentats ont été revendiqués par la Nepal Defence Army (NDA), un groupehindouiste nationaliste qui prône le retour à la monarchie et à la religion hindoues (1).Le groupe armé extrémiste est responsable de la plupart des attaques contre les chrétiens etmusulmans au Népal depuis la proclamation de la laïcité de l’Etat par laConstituante en 2006. La NDA, entre autres attaques, assassinats et autresactes terroristes, a revendiqué les attentats à la bombe meurtriers de 2008dans la mosquée de Birantnagar et de 2009 dans l’église catholique del’Assomption à Katmandou (2). Selon son procédé habituel, la NDA alaissé sur les lieux du crime des tracts demandant le départ des chrétiens etdes musulmans du Népal, accusant de plus l’UMN d’effectuer des conversionsforcées d’hindous au christianisme.
Le P. Pius Perumana, pro-vicaire catholique du Népal etdirecteur de la Caritas locale, a pressé les autorités d’agir rapidement etfermement pour protéger les chrétiens : « J’espère que le gouvernement a bien pris conscience de ce quis’est passé, et pris les mesures nécessaires contre les responsables de ces crimesainsi que des autres attaques qui se produisent [actuellement] à l’encontre des minorités du Népal ».
Après ces deux incidentsrapprochés, le Rév. Gurung, accompagné d’autres responsables de communautéschrétiennes dont deux catholiques, a rencontré le 28 novembre les forcesde police afin de mettre en place un dispositif de sécurité à l’approche desfêtes de Noël. « Nouscraignons que d’autres attaques se produisent à cette occasion,confirme Chirendra Satyal, porte-parole de l’église catholique de l’Assomption.Les célébrations rassembleront beaucoupplus de croyants et nos Eglises n’ont pas les moyens d’assurer leur sécurité. »
Quant à la NationalChristian Federation of Nepal, qui regroupe plusieurs dénominationsprotestantes, ellea remis au Premier ministre Baburam Bhattarai, leader maoïstefraîchement élu, un memorandum recensant les dernières attaques antichrétiennes.Parmi elles, l’attentat à la bombe contre l’UMN ainsi que celle, ce même 22novembre, menée par tout un village contre deux chrétiens évangéliques du districtde Sindhupalchowk, situé dans la partie nord-est du pays (3).
« Bien que leNépal ait été déclaré Etat laïque il y a cinq ans, la persécution envers leschrétiens en cesse de croître », constate le Rév. Chandra Shrestha,pasteur de la Nepali Evangelical Church à Bhaktapur, une ville proche dela capitale. Le mois dernier, lors de la grande fête de Dasain (4), l’un des lieux de culte de son Eglise établi dans un district du centre du Népal, a été détruit par une fouled’hindous en colère. Les assaillants, rapporte le pasteur, ont molesté unedemi-douzaine de chrétiens dont le pasteur qui sortait d’une grave opération.Le prétexte invoqué lors de l’émeute était que les chrétiens avaient refusé departiciper aux festivités hindoues, préférant se rassembler pour deux jours desession. Selon les témoins, ni la police ni les autorités locales ne sontintervenues. « Les ennuis [deschrétiens] ont commencé quand plusieurs personnes sont devenues chrétiennesaprès avoir cessé de boire grâce à la prière, explique le Rév Shrestha (…) C’est un village très pauvre, avec un fort taux d’analphabétisme et lamafia qui gère le trafic d’alcool y est très puissante ». Pour le pasteur, l’attaque a « de fortes chances d’avoir étémanigancée par ces trafiquants, avec la complicité des autorités locales quitraitent les chrétiens comme des citoyens de seconde zone ».
Un avis partagé parl’ensemble des chrétiens mais aussi des autres minorités religieuses, quis’inquiètent de l’influence grandissante des mouvements extrémistes au sein desinstitutions d’Etat, alors que le Népal est toujours dans l’attente de saConstitution, dont le délai de remise par la Constituante vient d’être repousséà six mois supplémentaire, pour la quatrième fois (5).
« Il est évident que leaNDA tire avantage del’instabilité politique du pays »,analyse le P. Perumana, qui rappelle que, sous la pression des hindouistes, uneloi anti-conversion a failli être votée cet été en plein débat sur la laïcité de l'Etat au Parlement, un principe pourtant acquis depuis 2006, tandis que semultipliaient les attaques et les menaces envers les minorités religieuses (6).
En apprenant que legouvernement avait entamé des négociations avec la NDA, lui proposant debénéficier d’une amnistie si le groupe terroriste rendait les armes, leschrétiens avaient vu leurs craintes redoubler (7). A la lumière des deuxrécents attentats, cette impunité suscite l’indignationdes Eglises. « En proposantl’amnistie aux membres du NDA, le gouvernement choisit délibérément desacrifier les vies de citoyens népalais », a déclaré le P. ChirendraSatyal, le 28 novembre.
(1) Jusqu’en 2006, l’hindouisme était lareligion officielle du royaume du Népal. Avec l’établissement d’un Etat laïqueen 2006, le droit à la liberté de religion et de culte a été reconnu par laConstituante, en attendant d’être régularisé officiellement par la Constitutiondéfinitive.
(2) L’attentat à la bombedans l’église catholique de l’Assomption à Katmandou en 2009 avait fait troismorts et des dizaines de blessés. Voir EDA 508 et 530.
(3) Le 22 novembredernier, les habitants de Danchhe, un village tamang majoritairementbouddhiste, ont attaqué deux frères appartenant à une Eglise évangélique, lorsd’une célébration se tenant à leur domicile. Armés de poignards et de bâtons,les villageois ont pris d’assaut la maison et tenté de lapider Panchman Tamang,45 ans, instituteur dans le district et Buddhiman, paysan d’une cinquantained’année. Si Panchman a réussi à s’enfuir, son frère aîné, a été laissé pour mort,baignant dans son sang. Il a pu être emmené inconscient à l’hôpital par sonfrère revenu le chercher plus tard dans la nuit.
(4) Dasain, fête laplus importante du Népal, célébre la victoire de la redoutable déesseDurga-Kali sur les forces du mal, faisant pendant une dizaine de jours alternersacrifices sanglants et festivités familiales.
(5)Le dernier délaide restitution des travaux de la Constituante avait été fixé au 30 novembreprochain. Le Premier ministre nouvellement élu, Baburam Bhattarai, s’était engagépersonnellement à ce que cette fois, il n’y ait plus de nouveau report. Voirdépêche 4 nov 2011 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud/nepal/les-maoistes-deposent-enfin-les-armes-les-chretiens-partages-entre-le-soulagement-et-l2019incertitude?SearchableText
(6) La proposition d’amendement ducode pénal (article 160) prévoyait de sanctionner toute tentative de conversionou de détournement de la religion hindoue « par quelque moyen que ce soit » par uneamende de 50 000 roupies (soit 485 euros) et cinq ans de prison. La mêmesanction était prévue pour tout abattage de bovin afin d'en consommer la viande, une pratiqueinterdite par l’hindouisme. Les minorités religieuses s’étaient mobilisées pourempêcher le vote, avant la date butoir de remise dela constitution, prévue alors pour le 31 août 2011. Leurs leaders avaientrappelé au gouvernement qu’ils’apprêtait à violer les fondements constitution provisoire sur laquelles’appuyait la république népalaise, dont la liberté religieuse et la laïcité del’Etat. Voirdépêche EDAdu 22 août 2011 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud/nepal/chretiens-musulmans-bouddhistes-et-baha2019is-se-mobilisent-contre-un-projet-de-loi-anti-conversion
(7) Début 2011, lapolice s’était aperçue que le chef de la NDA, Ram Prasad Mainali poursuivaitson activité criminelle depuis la prison où il était incarcéré depuisl’attentat de 2009. Plusieurs de ses complices avaient été arrêtés et avaientavoué préparer des attentats de grande envergure selon les instructions de leurleader. A la même époque, la NDA s’était mis à menacer les chrétiens de nouvelles attaques, se déclarantprotégée par le gouvernement qui l’avait autorisé à se constituer en partipolitique légal et menait des négociations avec lui. Dans une déclaration le 29août, Mgr Anthony Sharma avait fortement réagi : « Nous avons été très patients (…) mais aveccette mauvaise nouvelle [les négociations entre l’Etat et la NDA], nous nous sentons vraiment une minorité de‘sans-voix’ ». Voir dépêche EDA du 30 août 2011 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud/nepal/l2019eglise-attend-du-nouveau-premier-ministre-qu2019il-tienne-sa-promesse-de-defendre-la-laicite-de-l2019etat-et-de-proteger-les-minorites?SearchableText.
(Source: Eglises d'Asie, 28 novembre 2011 )