Orissa: alors que les responsables des violences antichrétiennes commencent à être jugés, une bombe explose dans un camp de réfugiés
Un an après la vague de violences antichrétiennes qui a déferlé sur l’Orissa (1), une bombe a explosé, apparemment de façon accidentelle, dimanche 27 septembre, dans le camp de réfugiés chrétiens de Nandagiri, situé dans le district de Khandamal, faisant un mort et plusieurs blessés.
L’homme tué par l’explosion était, semble-t-il, le possesseur de la bombe et, selon différentes sources, 2 à 4 personnes auraient été grièvement blessées, la version des autorités et celle des chrétiens du camp se contredisant très nettement. Lundi 28 septembre, la police locale a interpellé trois personnes et saisi dans le camp quatre armes à feu ainsi qu’une grenade artisanale. Les autorités maintiennent pour l’heure la version officielle selon laquelle l’attentat manqué a été fomenté par les maoïstes et qu’il ne s’agit en aucun cas d’un acte de violence motivée par la religion.
La centaine de chrétiens catholiques et protestants réfugiés dans le camp de Nandagiri sont tous issus du village de Betticola, particulièrement touché par les violences antichrétiennes de 2008. Réduits à des conditions de vie très précaires, ils attendent toujours que le gouvernement tienne ses promesses en reconstruisant leurs maisons et en assurant leur sécurité dans un village où les membres du Sangh Parivar, la nébuleuse regroupant les organisations hindoues extrémistes, qui y avaient commis des crimes et des violences il y a un an, continuent de circuler en toute impunité, venant régulièrement menacer les chrétiens du camp de les tuer s’ils reviennent chez eux sans s’être au préalable convertis à l’hindouisme. Certains réfugiés ont même commencé à défricher la forêt aux alentours du camp pour tenter de s’y établir.
L’homme décédé dans l’explosion a été identifié mardi 29 septembre comme étant Ajaya Digal, 35 ans, du village de Gutingia. Selon des sources ecclésiastiques locales, l’homme, inconnu de tous, était arrivé au camp depuis quelques jours seulement et harcelait les familles de réfugiés. Ces derniers pensent que l’inconnu était un « infiltré » du Sangh Parivar, venu leur adresser un nouvel « avertissement », en prévoyant de lancer une bombe dans le camp. Des témoins ont rapporté que la nuit du 26 au 27 septembre, l’individu, complètement ivre, aurait pris à partie des chrétiens et proféré des menaces. Le sol étant mouillé à cause des fortes pluies de mousson, l’homme aurait glissé et serait tombé sur la bombe qui a alors explosé, le tuant sur le coup.
Le Global Council of Indian Christians (GCIC), par l’intermédiaire de son président, Sajan K. Georges, a immédiatement réagi à l’incident, soulignant l’insécurité d’un camp dans lequel un individu armé et inconnu des services de surveillance a pu s’introduire sans être inquiété et menacer les chrétiens pendant des jours. Il a également demandé à la police de mener des investigations du côté de la mouvance hindouiste et non pas seulement maoïste.
Ces événements se sont produits alors que tombent les premières condamnations des personnes accusées d’avoir participé aux violences antichrétiennes au Kandhamal. Le 22 septembre, l’un des deux tribunaux spéciaux établis en Orissa pour juger ces affaires a ainsi condamné six hommes à trois ans de prison ferme ainsi qu’au paiement de 4 000 roupies (un peu moins de 60 euros) d’amende pour avoir incendié l’habitation d’un journaliste dans le village de Phiringia. Cinq autres accusés ont été acquittés, « faute de preuves ».
Le 23 septembre, la même cour spéciale, qui siège à Phulbani, centre administratif du district du Kandhamal, a condamné cinq autres personnes à l’emprisonnement à vie et au versement 5 000 roupies d’amende chacune, pour l’assassinat d’Akbar Digal, 40 ans, pasteur de l’église baptiste du village de Tatamaha, le 26 août 2008. Le Rev. Digal avait été l’un des premiers morts de la vague de violence qui avait commencé au lendemain de l’annonce de la mort du Swami Laxmanananda Saraswati, meurtre pourtant revendiqué par les maoïstes mais dont les chrétiens avaient été rendus responsables par les hindouistes. Sous les yeux de sa femme, les cinq hommes avaient égorgé et découpé en morceaux le pasteur qui avait refusé de se convertir à l’hindouisme.
Ce verdict, le premier à condamner à l’emprisonnement à vie des personnes impliquées dans les violences meurtrières du Kandhamal, a été accueilli avec soulagement par la communauté chrétienne. A l’instar de Mgr Cheenath, archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, dont dépend le district de Kandhamal, le P. Babu Joseph, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI), a déclaré que, non seulement ce jugement « restaurait la confiance [des chrétiens] dans le système judiciaire de leur pays », mais qu’il espérait qu’« il aurait un effet dissuasif sur ceux qui se croient au-dessus des lois ». Le prêtre catholique a cependant souligné que ces sentences ne réglaient pas les problèmes des réfugiés, qui à l’approche de l’hiver doivent faire face à de « très graves problèmes si les travaux de reconstruction du gouvernement n’avancent pas plus vite ». En effet, a-t-il poursuivi, « ils n’ont pas de solution de remplacement pour s’abriter, si les camps de secours sont fermés et les maisons encore en construction ». Quant au Rev. Enos Pradhan, secrétaire général de l’Eglise de l’Inde du Nord (3), il a déclaré que, bien que cela ait été fait tardivement, sa communauté se réjouissait que justice soit enfin rendue aux victimes.
L’espoir né de cette première sanction sévère des meurtres en Orissa a toutefois été de courte durée. Le lendemain, 24 septembre, les chrétiens du Kandhamal apprenaient avec consternation l’acquittement de Manoj Pradhan, membre, au Parlement de l’Orissa, du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), la vitrine politique des nationalistes hindous, qui était accusé d’être l’un des principaux organisateurs des violences au Kandhamal. Manoj Pradhan, emprisonné en octobre 2008 pour actes criminels, s’était néanmoins présenté aux élections d’avril-mai 2009 et avait été élu au Parlement de l’Etat (2). L’acquittement du leader hindouiste a été prononcé le 24 septembre, soit un an jour pour jour après l’assassinat de Kantheswar Digal, 60 ans, meurtre qui constituait l’un des nombreux chefs d’accusations pesant sur le parlementaire. Kantheswar Digal avait été kidnappé par un groupe d’hindouistes menés par Manoj Pradhan avant d’être retrouvé mort, le corps horriblement supplicié. Malgré les nombreux témoins qui ont reconnu le représentant du BJP lors des audiences, tous les chefs d’accusations ont été levés par le tribunal, « faute de preuves », relançant à nouveau chez les chrétiens le sentiment que les coupables jouissent d’une totale impunité pour peu qu’ils appartiennent à la sphère politique ou administrative du pays (4).
(1) Selon les derniers rapports, les violences antichrétiennes en Orissa auraient fait plus de 80 morts, détruit des centaines de maisons et édifices religieux et déplacé plus de 50 000 personnes. Voir EDA 490, 491, 492, 493, 494, 495, 496
(2) Le cas de la présentation d’un candidat aux élections, alors qu’il en prison, n’est pas rare en Inde. Lors du scrutin de mai dernier, la candidature de l’hindouiste Dara Singh, jugé coupable du meurtre du missionnaire australien Graham Staines et de ses deux jeunes enfants, avait soulevé un vent d’indignation dans la communauté chrétienne.
(3) L’Eglise de l’Inde du Nord a été créée en 1970, à partir d’un regroupement de différentes dénominations protestantes. Elle comprend aujourd’hui environ 3 000 communautés rattachées en une vingtaine de diocèses.
(4) The Telegraph, 30 septembre 2009, IANS, 28 septembre 2009, Hindustan Times, 28 septembre 2009, India Today, 27 septembre 2009, Ucanews, 28 septembre 2009, AsiaNews, 23 septembre 2009.
Un an après la vague de violences antichrétiennes qui a déferlé sur l’Orissa (1), une bombe a explosé, apparemment de façon accidentelle, dimanche 27 septembre, dans le camp de réfugiés chrétiens de Nandagiri, situé dans le district de Khandamal, faisant un mort et plusieurs blessés.
L’homme tué par l’explosion était, semble-t-il, le possesseur de la bombe et, selon différentes sources, 2 à 4 personnes auraient été grièvement blessées, la version des autorités et celle des chrétiens du camp se contredisant très nettement. Lundi 28 septembre, la police locale a interpellé trois personnes et saisi dans le camp quatre armes à feu ainsi qu’une grenade artisanale. Les autorités maintiennent pour l’heure la version officielle selon laquelle l’attentat manqué a été fomenté par les maoïstes et qu’il ne s’agit en aucun cas d’un acte de violence motivée par la religion.
La centaine de chrétiens catholiques et protestants réfugiés dans le camp de Nandagiri sont tous issus du village de Betticola, particulièrement touché par les violences antichrétiennes de 2008. Réduits à des conditions de vie très précaires, ils attendent toujours que le gouvernement tienne ses promesses en reconstruisant leurs maisons et en assurant leur sécurité dans un village où les membres du Sangh Parivar, la nébuleuse regroupant les organisations hindoues extrémistes, qui y avaient commis des crimes et des violences il y a un an, continuent de circuler en toute impunité, venant régulièrement menacer les chrétiens du camp de les tuer s’ils reviennent chez eux sans s’être au préalable convertis à l’hindouisme. Certains réfugiés ont même commencé à défricher la forêt aux alentours du camp pour tenter de s’y établir.
L’homme décédé dans l’explosion a été identifié mardi 29 septembre comme étant Ajaya Digal, 35 ans, du village de Gutingia. Selon des sources ecclésiastiques locales, l’homme, inconnu de tous, était arrivé au camp depuis quelques jours seulement et harcelait les familles de réfugiés. Ces derniers pensent que l’inconnu était un « infiltré » du Sangh Parivar, venu leur adresser un nouvel « avertissement », en prévoyant de lancer une bombe dans le camp. Des témoins ont rapporté que la nuit du 26 au 27 septembre, l’individu, complètement ivre, aurait pris à partie des chrétiens et proféré des menaces. Le sol étant mouillé à cause des fortes pluies de mousson, l’homme aurait glissé et serait tombé sur la bombe qui a alors explosé, le tuant sur le coup.
Le Global Council of Indian Christians (GCIC), par l’intermédiaire de son président, Sajan K. Georges, a immédiatement réagi à l’incident, soulignant l’insécurité d’un camp dans lequel un individu armé et inconnu des services de surveillance a pu s’introduire sans être inquiété et menacer les chrétiens pendant des jours. Il a également demandé à la police de mener des investigations du côté de la mouvance hindouiste et non pas seulement maoïste.
Ces événements se sont produits alors que tombent les premières condamnations des personnes accusées d’avoir participé aux violences antichrétiennes au Kandhamal. Le 22 septembre, l’un des deux tribunaux spéciaux établis en Orissa pour juger ces affaires a ainsi condamné six hommes à trois ans de prison ferme ainsi qu’au paiement de 4 000 roupies (un peu moins de 60 euros) d’amende pour avoir incendié l’habitation d’un journaliste dans le village de Phiringia. Cinq autres accusés ont été acquittés, « faute de preuves ».
Le 23 septembre, la même cour spéciale, qui siège à Phulbani, centre administratif du district du Kandhamal, a condamné cinq autres personnes à l’emprisonnement à vie et au versement 5 000 roupies d’amende chacune, pour l’assassinat d’Akbar Digal, 40 ans, pasteur de l’église baptiste du village de Tatamaha, le 26 août 2008. Le Rev. Digal avait été l’un des premiers morts de la vague de violence qui avait commencé au lendemain de l’annonce de la mort du Swami Laxmanananda Saraswati, meurtre pourtant revendiqué par les maoïstes mais dont les chrétiens avaient été rendus responsables par les hindouistes. Sous les yeux de sa femme, les cinq hommes avaient égorgé et découpé en morceaux le pasteur qui avait refusé de se convertir à l’hindouisme.
Ce verdict, le premier à condamner à l’emprisonnement à vie des personnes impliquées dans les violences meurtrières du Kandhamal, a été accueilli avec soulagement par la communauté chrétienne. A l’instar de Mgr Cheenath, archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, dont dépend le district de Kandhamal, le P. Babu Joseph, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI), a déclaré que, non seulement ce jugement « restaurait la confiance [des chrétiens] dans le système judiciaire de leur pays », mais qu’il espérait qu’« il aurait un effet dissuasif sur ceux qui se croient au-dessus des lois ». Le prêtre catholique a cependant souligné que ces sentences ne réglaient pas les problèmes des réfugiés, qui à l’approche de l’hiver doivent faire face à de « très graves problèmes si les travaux de reconstruction du gouvernement n’avancent pas plus vite ». En effet, a-t-il poursuivi, « ils n’ont pas de solution de remplacement pour s’abriter, si les camps de secours sont fermés et les maisons encore en construction ». Quant au Rev. Enos Pradhan, secrétaire général de l’Eglise de l’Inde du Nord (3), il a déclaré que, bien que cela ait été fait tardivement, sa communauté se réjouissait que justice soit enfin rendue aux victimes.
L’espoir né de cette première sanction sévère des meurtres en Orissa a toutefois été de courte durée. Le lendemain, 24 septembre, les chrétiens du Kandhamal apprenaient avec consternation l’acquittement de Manoj Pradhan, membre, au Parlement de l’Orissa, du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), la vitrine politique des nationalistes hindous, qui était accusé d’être l’un des principaux organisateurs des violences au Kandhamal. Manoj Pradhan, emprisonné en octobre 2008 pour actes criminels, s’était néanmoins présenté aux élections d’avril-mai 2009 et avait été élu au Parlement de l’Etat (2). L’acquittement du leader hindouiste a été prononcé le 24 septembre, soit un an jour pour jour après l’assassinat de Kantheswar Digal, 60 ans, meurtre qui constituait l’un des nombreux chefs d’accusations pesant sur le parlementaire. Kantheswar Digal avait été kidnappé par un groupe d’hindouistes menés par Manoj Pradhan avant d’être retrouvé mort, le corps horriblement supplicié. Malgré les nombreux témoins qui ont reconnu le représentant du BJP lors des audiences, tous les chefs d’accusations ont été levés par le tribunal, « faute de preuves », relançant à nouveau chez les chrétiens le sentiment que les coupables jouissent d’une totale impunité pour peu qu’ils appartiennent à la sphère politique ou administrative du pays (4).
(1) Selon les derniers rapports, les violences antichrétiennes en Orissa auraient fait plus de 80 morts, détruit des centaines de maisons et édifices religieux et déplacé plus de 50 000 personnes. Voir EDA 490, 491, 492, 493, 494, 495, 496
(2) Le cas de la présentation d’un candidat aux élections, alors qu’il en prison, n’est pas rare en Inde. Lors du scrutin de mai dernier, la candidature de l’hindouiste Dara Singh, jugé coupable du meurtre du missionnaire australien Graham Staines et de ses deux jeunes enfants, avait soulevé un vent d’indignation dans la communauté chrétienne.
(3) L’Eglise de l’Inde du Nord a été créée en 1970, à partir d’un regroupement de différentes dénominations protestantes. Elle comprend aujourd’hui environ 3 000 communautés rattachées en une vingtaine de diocèses.
(4) The Telegraph, 30 septembre 2009, IANS, 28 septembre 2009, Hindustan Times, 28 septembre 2009, India Today, 27 septembre 2009, Ucanews, 28 septembre 2009, AsiaNews, 23 septembre 2009.